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LES ARMES DE GUERRE

Dernière mise à jour : 26 sept. 2022



Le Capitole, Washington, États-Unis d'Amérique

Peut-on préserver la paix sur notre petite planète malmenée, malgré la dispersion inquiétante d’armes de destruction massive entre de nombreux pays pouvant les utiliser à leur gré?

Certains le croyaient. Parmi eux, l’inventeur de la dynamite, en 1870, était convaincu que leur puissance destructrice ferait disparaître la guerre devant le risque de destruction mutuelle totale.

Sans la nommer, Alfred Nobel prônait « l’équilibre de la terreur ».

Depuis cette époque, la révolution industrielle a multiplié cette puissance destructrice à l’infini. Et nous sommes baignés, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans cet équilibre diabolique. Au cours des dernières années, c’est la vitesse des missiles, pouvant atteindre 20 fois la vitesse du son, qui contribue à rendre ces armes imparables.

On peut croire que la majorité des humains, s’ils détenaient le pouvoir politique, auraient le bon sens de ne pas s’autoannihiler en utilisant de telles armes. Mais cette majorité n’est jamais décisionnelle. Ce sont des individus parfois très solitaires et violents qui dirigent les pays.


La puissance des armes ne semble pas un frein suffisant pour empêcher certains d’entre eux de mettre le feu aux poudres.

C’est le cas de Vladimir Poutine qui utilise la violence la plus barbare en Ukraine, pour imposer sa volonté, même au risque de provoquer une guerre nucléaire mondiale.

Et, comme on l’a vu également dans une lettre précédente, la voie pour se hisser au sommet de la direction politique de leurs pays n’a pas l’étanchéité totale requise pour barrer la route à ce genre d’autocrate. Même les États-Unis et leur constitution, plus de deux fois centenaires, pourraient ne pas résister éternellement à l’avènement d’un dictateur.

Que reste-t-il alors pour éviter le pire? Il reste le contrôle et la réduction mondiale des armes de guerre.

Le contrôle des armes de guerre entre les mains d’un gouvernement central a été la voie qu’ont empruntée la plupart des pays lorsqu’ils se sont constitués, avec comme objectif légitime de défendre leurs frontières d’agresseurs externes.

Ajoutons qu’il existe un autre objectif tout aussi important justifiant cette centralisation dans un pays : le maintien de l’ordre interne, pour faire face à toutes les pressions des groupes humains souvent antagonistes et belliqueux qui composent la société. Bien que les armes utilisées par ces « forces de l’ordre » appelées « police » n’aient habituellement pas la puissance des « armes de guerre », elles le sont suffisamment pour asservir la population d’un pays, en autant que cette force soit encadrée par des institutions solides garantissant que des autocrates sans scrupules ne pourront pas en abuser. Sinon la liberté intérieure risque de disparaître, comme c’est malheureusement le cas dans de nombreux pays. Mais il s’agit ici d’un autre débat.

Revenons à l’objectif d’étendre cet objectif de contrôle des armes de guerre au monde entier. On estime généralement qu’il s’agit d’une utopie, que jamais l’humanité ne pourra y parvenir. Mais il semble pourtant que ce soit la seule issue pour parvenir à une paix réelle et perpétuelle sur notre toute petite planète fragile et irremplaçable.


L’essentiel du problème du maintien de la paix réside en effet dans cette dispersion importante d’armes, de plus en plus puissantes et sophistiquées, entre des pays idéologiquement rivaux.


La Russie et la Chine sont des autocraties; le Royaume-Uni, la France et les États-Unis, des démocraties. Tous les cinq sont membres du Conseil de sécurité des Nations-Unies et y possèdent un droit de veto dont l’utilisation paralyse souvent cette institution. Enfin, tous les cinq et quelques autres puissances possèdent un arsenal nucléaire capable d’annihiler toute vie sur terre.

Les résolutions de l’ONU demeurent souvent lettre morte puisqu’elle n’a pas le pourvoir d’imposer son autorité à ces pays surarmés.

Malgré tout, jusqu’à maintenant, bien des pays, et particulièrement les plus puissants, refusent de déléguer ces pouvoirs à un organisme central, de crainte de perdre leur illusoire ascendant sur le monde; même s’il est difficile d’envisager un autre moyen pour faire échecs aux ambitions de conquêtes territoriales, économiques, religieuses ou ethniques de certains d’entre eux.

Il faut reconnaître qu’un tel transfert poserait le problème du contrôle de cet organisme central qui, lui non plus, ne doit pas être vulnérable à la prise de contrôle d’un super-autocrate. Il s’agit d’une crainte malheureusement tout à fait justifiée.

Quant à la réduction des armes, rappelons l’importante entente intervenue en ce sens sur les armes nucléaires entre les États-Unis et l’URSS sous la présidence de Ronald Reagan et du Secrétaire-général de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev, dans les années 1980. Si c’était alors possible, ce doit l’être encore aujourd’hui.


Malgré de nombreux échecs, rappelons également que l’historique des forums de désarmement est ponctué de quelques succès notables.

Énumérons, entre autres, le Protocole sur les armes incendiaires (1980); le Traité de non-prolifération des armes nucléaires (1968); la Convention sur l’interdiction des armes biologiques (1972), et des armes chimiques (1993); le Traité d’interdiction des essais nucléaires (1996); celui sur les armes aveuglantes en 1995; la Convention sur les mines antipersonnelles en 1997[i]; le lancement de la campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires, lancée en avril 2007. En 2014, 146 pays ont participé à la Conférence internationale sur le désarmement.

Il semble donc possible d’avancer sur cette piste de façon graduelle. Les mêmes arguments, utilisés au temps de Reagan et de Gorbatchev, s’appliquent : puisqu’aucun de ces pays ne souhaite être le premier à utiliser les armes nucléaires, il est inutile d’en posséder, ou du moins d’en posséder autant. Il s’agit donc de convenir, comme ce fut le cas alors, d’une réduction graduelle, équilibrée, vérifiable par toutes les parties, jusqu’au plus bas seuil possible, voire jusqu’à leur élimination.

Une conférence formelle sur le désarmement a été instaurée par l’ONU en 1979. Elle compte 65 états membres. Mais les décisions y sont prises sur la base du consensus, ce qui, bien sûr, paralyse son fonctionnement. L’objectif visant à écarter les menaces face à la paix se heurte constamment au principe de souveraineté nationale prévu à l’article 2,7. C’est pourquoi des ONG (organismes non gouvernementaux), souvent déçus de la paralysie des autorités politiques, deviennent elles-mêmes des moteurs de désarmement. [ii]


À défaut de parvenir à cette centralisation et à cette unité perçue par beaucoup comme une utopie, les alliances militaires défensives pourraient-elles être la voie de passage à ce maintien de la paix?

L’histoire de l’OTAN est éloquente au sujet d’une alliance militaire défensive. Créée au début de la guerre froide pour empêcher l’URSS de dépecer petit à petit l’Europe de l’Ouest, elle est passée de 11 pays à 30 aujourd’hui, et passera bientôt à 32. Elle s’est révélée un rempart efficace contre toute agression de l’URSS, grâce à la clause 5 stipulant qu’une attaque contre l’un des membres constitue une attaque contre tous les membres. L’OTAN peut s’avérer aujourd’hui un rempart efficace contre toute autre agression par quelque pays que ce soit.

De plus, bien que non spécifié explicitement, il semble tout à fait invraisemblable que deux pays appartenant à cette alliance s’agressent entre eux, même si leurs systèmes politiques peuvent parfois différer sensiblement. L’OTAN a, dans le passé, compté dans ses rangs, des autocraties mettant à mal les libertés de leurs propres citoyens, sans pour autant représenter un risque d’agression contre les autres membres.

Ce fut le cas à une époque du Portugal et de la Grèce qui n’ont rejoint les rangs des démocraties que beaucoup plus tard, mais ont été, entre-temps, des membres actifs de l’OTAN. Cette situation, sans être idéale, permet d’atteindre l’objectif principal: les pays membres ne s’agressent pas entre eux et sont prêts à se défendre en commun contre toute agression externe.

L’attrait d’une telle alliance défensive ne se dément pas aujourd’hui.

Ce genre d’alliance pourrait s’étendre de façon si importante que l’objectif d’unir le monde sous un même chapeau défensif et, le cas échéant, de réduire à la fois la quantité et la dispersion des armes de guerre pourrait ainsi être atteint.

Ceux qui croient que l’ONU peut encore être réformée et qui y travaillent avec ardeur, méritent notre appui; mais ne dédaignons pas la possibilité d’une solution de rechange prometteuse. Sans remplacer l’ONU et son Conseil de sécurité, une alliance défensive étendue deviendrait davantage la référence pacificatrice du monde.

Soulignons toutefois que la clause exigeant l’unanimité pour toute nouvelle adhésion à l’OTAN devrait être éliminée pour empêcher les blocages similaires à ceux que connaît l’ONU.

La Turquie, qui s’oppose actuellement à l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN, illustre bien l’aberration de cette condition. Ces deux pays sont de solides démocraties craignant l’agressivité de la Russie et devraient être accueillis à bras ouverts dans cette organisation.

Cette unanimité n’a pas à être remplacée par une règle de simple majorité. Il n’y a pas d’objection à exiger, par prudence, une majorité qualifiée élevée (par exemple l’acceptation de 75 % des pays membres), pourvu qu’elle permette d’éliminer le possible chantage de l’un d’eux.

Rappelons qu’il existe plus de 80 démocraties dans le monde dont la plupart pourraient être intéressées à adhérer à une alliance défensive pour les mêmes raisons qui amènent la Finlande et la Suède à le faire maintenant: s’assurer de l’appui d’une alliance militaire dont la puissance dépasse tout ce que l’humanité a connu au cours de son histoire, pour éviter d’être agressées par un autre pays.

On remplacerait donc ainsi « l’équilibre de la terreur » actuelle par une force militaire immense, mais uniquement défensive, par « le déséquilibre de la pacification ».

Les autocraties demeureraient vraisemblablement en dehors de ce groupe défensif. Ces pays, rappelons-le, sont le refuge des criminels de tout poil pour qui la liberté des peuples représente une menace à leur domination et à leur richesse personnelle indécente. Mais même regroupés entre elles, elles hésiteraient à briser la paix contre une telle alliance.

Ainsi, en empêchant les pays libres de retomber entre les mains de dictateurs, et en facilitant l’émergence de plus de liberté dans les dictatures, on devrait parvenir un jour à ce monde apaisé que nous appelons de tous nos vœux.

[i] Les mines antipersonnelles tuent ou blessent tous ceux qui ont le malheur de mettre le pied dessus. C'est la raison pour laquelle la communauté internationale a adopté, en 1997, une convention sur leur interdiction; elle en bannit l'emploi, la production, le stockage et le transfert, et requiert que des dispositions spécifiques soient prises afin de prévenir et traiter leurs effets à long terme. Cette interdiction a été approuvée jusqu’ici pas les trois quarts des pays du monde. [ii] Dans « revue internationale et stratégique » (2014/4 n0.96, pages 123 à 131)



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