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Photo du rédacteurRobert Dutil

Constitution 2: LE RAPATRIEMENT DE LA CONSTITUTION

Dernière mise à jour : 5 oct. 2022


Pierre Elliott Trudeau, premier ministre du Canada


Contrairement aux 13 colonies américaines, il n’y a pas eu de guerres d’indépendance au Canada. L’Empire britannique a continué à gouverner au nord du territoire des États-Unis, après le traité de paix de 1783 qui confirma leur indépendance de l’Empire britannique. La frontière entre les deux pays fut négociée en respectant l’occupation du territoire par les deux communautés, mais sans accord avec les peuples autochtones.


Quant à l’ouest des Grands Lacs, à peu près inhabité, ce fut le 48e parallèle qui devint la longue frontière qui traversa l’Ouest jusqu’à l’océan Pacifique. Et ce « Dominion du Canada » comme on finit par l’appeler, évolua lentement vers davantage d’autonomie.


Près d’un siècle plus tard, le Canada fut officiellement fondé en 1867 par « l’acte de l’Amérique du Nord britannique » (renommé la « Loi constitutionnelle de 1867 »). Il s’agissait d’un système fédéral de gouvernement comme aux États-Unis. Ottawa fut choisie comme capitale par la reine Victoria et 4 provinces furent créées (le Québec, l’Ontario, le Nouveau -Brunswick et la Nouvelle-Écosse).

Sans préciser les systèmes électoraux précédents, c’est par des élections au suffrage universel (à l’exclusion des femmes jusqu’en 1920) qu’étaient choisis les législateurs; et le gouvernement (l’exécutif) finit également par être choisi par ces derniers. Mais le Canada n’était pas un pays indépendant; il relevait toujours de la Couronne britannique. Toutefois, depuis les années 1920, les gouvernements canadiens tentaient de s’entendre sur la façon de reprendre et réformer la Constitution.

L’indépendance ne survint qu’en 1931, par l’octroi du Statut de Westminster qui conféra le titre de « dominion » de l’Empire britannique au Canada, à Terre-Neuve, à l’Australie, à la Nouvelle-Zélande, à l’État libre d’Irlande et à l’Afrique du Sud. On les désigna alors comme « dominion » pour éviter que le nom de « royaume » n’irrite la république américaine. Il restait cependant toujours un dernier lien avec la mère patrie : le Canada ne pouvait pas effectuer lui-même de changements constitutionnels; ils devaient être approuvés par la Couronne britannique. C’est ce lien que le gouvernement canadien voulait couper.


Durant la campagne référendaire de 1980, le premier ministre Pierre-Elliott Trudeau s’y était engagé en ces termes : « Nous mettrons immédiatement en marche le mécanisme pour renouveler la Constitution et nous n’arrêterons pas avant que ce soit fait. »

Son retour improbable à la tête du gouvernement, en 1980, allait effectivement lui permettre de réaliser ce souhait auquel il y consacra l’ardeur d’un politicien expérimenté saisissant une dernière occasion inespérée.


D’autre part, le Parti québécois gagna sa réélection en 1981. Le premier ministre, René Levesque, malgré le revers référendaire, demeurait très populaire; et le chef du Parti libéral du Québec, Claude Ryan, était perçu comme un personnage austère et désagréable. Ceux qui, comme moi, l’ont bien connu par la suite connaissent cependant l’autre côté du personnage : il était d’une intelligence remarquable et possédait, en privé, un humour décapant. Il avait une capacité de travail démesurée que peu de ses collaborateurs étaient en mesure d’égaler.


Mais revenons à l’obsession du premier ministre du Canada : le rapatriement de la Constitution. Après le référendum de 1980, et au cours des 18 mois qui suivirent, le gouvernement canadien et celui des provinces y consacrèrent de nombreux et féroces débats politiques et juridiques. Ces discussions n’étaient pas nouvelles; les gouvernements tentaient de s’entendre sur la façon non seulement de rapatrier la Constitution, mais aussi de la réformer. Ce qui fut fait en 1982, mais non sans de nombreux soubresauts.


La Constitution fut alors modifiée pour y inclure, entre autres, un nouveau processus d’amendement et une Charte des droits et libertés. Après une saga incroyable, le Québec, qui estimait avoir un droit de veto sur cette décision, se vit débouté par la Cour suprême.

D’ailleurs, même l’appui du plus grand nombre de provinces possible, pour renforcer la demande de rapatriement à Londres, n’était pas considéré comme obligatoire. La Cour suprême du Canada dit en substance qu’Ottawa pouvait obtenir le rapatriement sans le consentement des provinces, même si cela allait à l’encontre des conventions constitutionnelles.


Mais évidemment, le gouvernement canadien souhaitait, malgré tout, le plus large consensus possible pour légitimer ce rapatriement et tint, à cet effet, plusieurs conférences des premiers ministres. Il y eut celle dite « de la dernière chance » qui eut lieu à Ottawa le 2 novembre 1981. À la demande des premiers ministres provinciaux, Jean Chrétien s’engagea à ajouter une disposition dérogatoire (dite « la clause nonobstant ») pour limiter la portée d’une nouvelle charte des droits en permettant aux provinces d’exempter leurs lois de certains droits de la Charte. On voulait éviter que la législation soit établie par les juges au lieu des Parlements. Mais cette clause dérogatoire ne s’appliquait que pour une durée de cinq ans et s’annulait d’elle-même si elle n’était pas renouvelée par le Parlement qui l’avait utilisée.


Quant à la formule des modifications futures de la Constitution, on avait convenu qu’il fallait sept provinces sur dix, dont la population totale devait être d’au moins de 50 %, pour être valide. Cette formule exigeait au moins l’approbation de l’une des deux provinces les plus importantes, l’Ontario ou le Québec. Mais aucun droit de veto ne fut accordé à quiconque, y compris au Québec qui s’estimait floué.


Le droit de veto accordé à un membre dans toutes les institutions qui en ont fait une pareille condition, s’est bien souvent révélé paralysant pour l’organisme qui le subit. C’est pour cette raison que les États-Unis l’ont fait disparaître de leur Constitution, lorsqu’ils sont passés de la Confédération de 1776 à la Fédération de 1787.

Ils adoptèrent alors la formule où un changement nécessitait l’appui de 75 % des États et 2/3 des membres du Congrès. Il s’agit d’un seuil très élevé, qui rendait les modifications difficiles, mais moins improbables que l’unanimité.

Plus près de nous, le Conseil de sécurité des Nations-Unies accorde cinq droits de veto, un pour chacun des grands vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale (É.-U., URSS, R.-U., France, Chine). Ce conseil se trouve donc souvent paralysé par un seul de ces cinq membres.

On pourrait analyser l’effet du veto sur une multitude d’autres organisations et on y trouverait presque toujours plus d’inconvénients que d’avantages. Ces inconvénients sont tellement importants que son absence de la nouvelle Constitution, comme rapatriée, m’apparaît une bonne chose, même si la façon de l’imposer à Québec fut humiliante. Le premier ministre Trudeau plaida qu’il ne pouvait toutefois faire autrement pour faire avancer le dossier; il estimait que jamais un gouvernement souverainiste ne l’accepterait. Il plaidait de plus que son gouvernement, formé de plus de députés libéraux au Québec que quiconque, avait toute la légitimité de procéder ainsi.


Le 4 novembre 1981, au moment où la délégation du Québec séjournait de l’autre côté de la rivière des Outaouais, les autres premiers ministres se réunirent avec le gouvernement fédéral et convinrent d’une entente sans la présence du Québec. Les souverainistes baptisèrent cet évènement « La nuit des longs couteaux ». Par la suite, René Lévesque fut le seul à refuser de signer l’entente et à réclamer un référendum. En vain.


Le rapatriement fut proclamé par la reine, à Ottawa, le 17 avril 1982. Pierre-Elliott Trudeau avait atteint son grand objectif : faire du Canada un pays entièrement indépendant. Mais pour y arriver, il avait envenimé les relations avec le Québec et compliqué considérablement la tâche des fédéralistes du Québec.


Prochaine lettre:

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