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Photo du rédacteurRobert Dutil

Constitution 3: L'ACCORD DU LAC MEECH

Dernière mise à jour : 5 oct. 2022

Robert Bourassa, premier ministre du Québec



À l’automne 1985, j’étais devenu maire de la ville de Saint-Georges et, peu après, le premier préfet de la MRC Beauce-Sartigan (municipalité régionale de comté), une nouvelle structure qui remplaçait depuis peu le conseil de comté formé des maires non urbains. Cette MRC comptait 24 municipalités dont les deux villes antérieurement non-incluses de Saint-Georges et Saint-Georges Ouest.


Le député libéral de Beauce-Sud, Herman Mathieu, élu à l’élection partielle de 1979 pour remplacer Fabien Roy et réélu à l’élection générale de 1981, décida de ne pas se représenter à l’élection prévue en 1985. Je devins candidat pour le Parti libéral en vue de cette élection générale et fut élu, puis nommé au Conseil des ministres du Québec.


Entre-temps, le chef du Parti libéral Claude Ryan, fort contesté à la suite de la défaite de 1981, avait démissionné et été remplacé en 1983 par l’ancien premier ministre de 1970 à 1976, Robert Bourassa. Ce dernier effectua un retour triomphal à cette élection générale du 2 décembre 1985.

Du côté d’Ottawa, Pierre-Elliott Trudeau demeura premier ministre jusqu’en juin 1984, et fut remplacé par son ministre des Finances John Turner. Ce dernier perdit les élections générales fédérales deux mois plus tard en septembre 1984 contre le Parti conservateur dirigé à ce moment-là par un nouveau chef, Brian Mulroney. Ce dernier avait promis une adhésion du Québec à la constitution rapatriée en 1982 « dans l’honneur et l’enthousiasme ».


Il avait recruté alors un personnage encore peu connu de la scène politique, l’avocat Lucien Bouchard, considéré comme nationaliste et près du Parti québécois et qui avait travaillé pour le « oui » au référendum de 1980. Élu député dans le comté de Lac-Saint-Jean, il devint secrétaire d’État et plus tard ministre de l’Environnement.


En 1987, le gouvernement Mulroney tenta effectivement d’obtenir l’accord du Québec à la révision de la constitution et, contre toute attente, y parvint à la suite de rencontres entre les gouvernements provinciaux et fédéral sous le nom d’accord du lac Meech.

Cet accord reconnaissait le Québec comme société distincte; il reconnaissait également la minorité anglophone au Québec et la minorité francophone hors Québec comme des parties fondamentales du Canada; les provinces se voyaient confier un rôle officiel dans la nomination des personnes devant servir dans certaines institutions fédérales, dont le Sénat et la Cour suprême du Canada; une province pourrait se retirer avec compensation des programmes sociaux fédéraux à condition d’établir son propre programme et qu’il soit compatible avec les objectifs nationaux; le Québec obtint plus de pouvoirs en ce qui concerne l’immigration; il fut également convenu que se tiendrait annuellement une conférence annuelle des premiers ministres et que la réforme du Sénat et des Pêches y seraient abordées. Cet accord devait recevoir l’aval de tous les gouvernements provinciaux au plus tard dans les trois années suivantes pour entrer en vigueur.


À la suite de cette entente, le premier ministre Bourassa et son ministre spécialiste des questions constitutionnelles, Gil Rémillard, furent reçus en véritables héros par le caucus du parti et le Conseil des ministres. L’accord fut également bien reçu par la population. Il venait mettre fin, croyions-nous alors à l’époque, à la saga constitutionnelle qui avait atteint son paroxysme lors de l’élection du Parti québécois en 1976, suivi par le référendum de 1980 remporté par le camp du « non », puis par le rapatriement controversé de la constitution en 1982.


Plusieurs provinces, dont le Québec et l’Ontario l’adoptèrent rapidement, et nous n’avions pas d’indication que l’unanimité serait difficile à atteindre. Mais l’unanimité est un animal capricieux. C’est l’équivalent de donner un droit de veto à toutes les parties votantes. Et le veto donne un pouvoir exorbitant à tous ceux qui souhaitent obtenir des changements, même s’ils ne sont en aucune façon reliés au sujet en cause.

La plus célèbre affaire concernant ce droit de veto nous vient de l’exemple des États-Unis dont nous avons parlé dans le précédent texte (lettresanticosti.ca le rapatriement de la constitution). La nouvelle constitution américaine innovait sur plusieurs points majeurs, mais l’un d’eux était le remplacement de cette unanimité par, en gros, une formule n’exigeant plus que 75 % des États et les 2/3 des membres du Congrès.


De fait, au Canada, la constitution rapatriée en 1982 reprenait un critère équivalent à celui de la constitution américaine en établissant que les changements constitutionnels canadiens seraient adoptés si au moins sept des 10 provinces représentant au moins 50 % de la population canadienne votaient en faveur.

Il y avait quelques exceptions, mais elles étaient limitées. Des changements proposés par l’accord du lac Meech, trois sur cinq n’exigeaient pas cette unanimité et étaient donc susceptibles d’entrer dans la constitution dès que ce niveau serait franchi. Et il le fut rapidement.


Il avait toutefois été convenu entre les premiers ministres que l’entrée en vigueur se ferait globalement, lorsque toutes les parties l’auraient adopté. Erreur fatale. Deux provinces tiraient de la patte, des élections provinciales eurent lieu, des débats apparurent dans certaines d’entre elles dont les objections sur la fameuse clause de « société distincte » où, en français le terme signifie « société différente » et où en anglais on l’interprétait comme « société distinguée », laissant entendre un certain critère de supériorité pour le Québec, ce qui insultait à juste titre le côté anglophone du pays.


Le temps passa. On ne s’inquiéta pas davantage. Nous estimions toujours que trois ans laissaient la marge nécessaire pour compléter cette acceptation à l’unanimité. Mais le futur réserve parfois d’étonnantes surprises.


En décembre 1988, une décision de la Cour suprême du Canada contribua à faire déraper l’accord du lac Meech. Celle-ci décrétait en effet que la loi 101, adopté sous le gouvernement du Parti québécois en 1977, avait le pouvoir d’imposer la primauté du français dans l’affichage, mais pas celui de prohiber l’anglais.

En conséquence, la cour ordonnait donc de la modifier immédiatement en ce sens. Ce jugement entraîna des décisions jusque-là impensables. Il fallut tenter de contrôler ce dérapage et de limiter les dégâts. L’adoption de l’accord du lac Meech passa au second rang. Il fallait d’abord gérer la grogne que ce jugement générait au Québec environ un an avant la prochaine élection provinciale. D’une période d’euphorie, nous étions subitement passés à une période de vives tensions.

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1 Comment


lelab44
lelab44
May 02, 2022

Que d'histoires fort phares, phares éclairants !


Salut Robert à L'entête comme en F1 des proches disaient Salut Gilles !


Merci à l'artiste.


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