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Constitution 7 : LE SECOND REFERENDUM en 1995.

Dernière mise à jour : 5 oct. 2022


Lucien Bouchard premier ministre du Québec



Au début juillet 1993, j’annonçai que je ne serais pas candidat pour un troisième mandat à l’Assemblée nationale. J’avais initialement été élu comme conseiller municipal à Saint-Georges en novembre 1975, où j’avais siégé pendant 10 ans, suivi par neuf ans comme député et ministre à Québec, pour un total de 19 ans. Je ne voulais pas passer le reste de ma vie active en politique et j’estimais qu’à 44 ans, il était grand temps de retourner à la vie privée.


La durée moyenne de présence d’un élu au parlement de Québec est de six ans, c’est-à-dire de moins de deux mandats. Contrairement à la perception des électeurs estimant que les politiciens connaissent tous une longue carrière, beaucoup quittent volontairement et beaucoup perdent leurs élections. Seul quelques-uns traversent avec succès l’épreuve du temps.


D’ailleurs, d’autres changements d’importance se produisirent avant l’élection de 1994. Le plus important fut le départ du premier ministre Robert Bourassa dont, selon les rumeurs, la santé déclinait de façon importante.


Son départ provoqua une course à la chefferie. J’appuyai Daniel Johnson que j’avais appris à apprécier au cours de ces deux mandats au Conseil de ministres, mais aussi au Conseil du trésor où nous siégions tous les deux. Cette course se termina rapidement, puisqu’il fut le seul candidat. Comme nouveau chef du Parti libéral du Québec, il devint donc automatiquement premier ministre le 11 janvier 1994.


Il retarda l’élection au maximum de cinq ans, mais subit la défaite en septembre malgré un nombre d’appuis quasi égal à ceux du Parti québécois. Jacques Parizeau qui dirigeait le Parti québécois gagna 77 sièges, les libéraux 47 et le nouveau parti nommé l’Action démocratique du Québec (ADQ) de Mario Dumont, issu d’une scission au Parti libéral, gagna son siège à Rivière-du-Loup. Et comme prévu, le Parti québécois prépara dès sa prise de pouvoir la tenue d’un nouveau referendum sur la souveraineté-association.


Maintenant retiré de la vie politique, je n’avais pas l’intention de me mêler de cette nouvelle campagne référendaire, d’autant plus que le nouveau premier ministre avait annoncé que la question serait claire.


Entre-temps, au fédéral, le ministre conservateur Lucien Bouchard démissionna en 1991 après l’échec de la ratification de l’accord du lac Meech et fonda un nouveau parti nommé le «Bloc québécois» avec deux députés libéraux et six députés conservateurs.


Il y avait sans doute, dans le choix de ce nom, un clin d’œil à la fondation du «Bloc populaire» dans les années 1940 en réaction à la conscription imposée par le gouvernement pour les besoins de la guerre.


Mais revenons à ce second referendum. Comme ce fut le cas lors du premier, un débat fit rage sur la question à soumettre à la population. Rappelons qu’elle était votée par l’Assemblée nationale où le Parti québécois était majoritaire. Et contrairement à la promesse du premier ministre, cette question, imposée par la majorité du parlement, n’avait pas la clarté promise.


La voici :

«Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique, dans le cadre du projet de loi de sur l’avenir du Québec et l’entente signée le 12 juin 1995.»


Il semblait évident que le Canada n’accepterait pas un nouveau partenariat qui équivaudrait à transformer la fédération en confédération. Lorsque cette question fut approuvée par la majorité péquiste de l’Assemblée nationale, je décidai de m’impliquer dans la campagne, comme bien d’autres fédéralistes déçus. Je participai à des débats et en particulier dans quelques CÉGEP où la majorité favorisait le OUI.


Ma déclaration d’ouverture à chaque fois me permettait d’obtenir un silence respectueux. Je rappelai que j’avais quitté la politique l’année précédente sans intention d’y revenir, et que, bien que fédéraliste, le respect de la décision issue du referendum allait de soi pour moi. Que de plus, le choix de la souveraineté était un choix légitime. Un OUI à une question claire ferait de moi un citoyen respectueux de cette décision de la population. Mais je déplorai que, contrairement à la promesse du premier ministre Jacques Parizeau, elle soit loin d’avoir la clarté promise.


Ce fut un débat déchirant. Les familles se disputaient férocement. Plus la date du referendum approchait, plus la tension montait.


Le jour du vote, on dépouilla 5 087 009 votes, soit 93,5 % des électeurs inscrits, un record. J’avais décidé de participer à cette soirée de dépouillement dans Beauce-sud, le comté qui m’avait élu à deux reprises pour les représenter. Toute la soirée, le nombre de votes augmenta de façon égale, avec un léger avantage du OUI.


Pour une raison que je ne connaissais pas toutefois, vers la fin de la soirée, une centaine de milliers de votes dans des comtés fédéralistes de Montréal n’étaient pas encore comptabilisés. Il restait si peu de dépouillement à faire que je me permis de prendre la parole pour rassurer les militants présents. À cause de cet écart vraisemblablement plus favorable au NON, je mentionnai que j’étais convaincu de la victoire du NON. Et effectivement, le NON repris l’avance petit à petit et la conserva jusqu’à la fin. Le résultat du vote ne pouvait être plus serré :


il y eut finalement 54 288 voix d’écart en faveur du NON, soit 2 308 360 pour le NON et 2 362 648 pour le OUI. Le NON l’emportait par 50,5 % contre 49.4 %.


On connaît la suite. Le premier ministre Parizeau affirma, sur les ondes, que ce résultat était dû au vote ethnique et à l’argent. Il démissionna peu après, sans doute des suites de cette déclaration intempestive, mais aussi parce que les péquistes voulaient le remplacer par le charismatique Lucien Bouchard, chef du Bloc québécois à Ottawa qui avait été la véritable locomotive du OUI et qui avait de meilleures chances de garder le pouvoir à la prochaine élection au Québec. Il envisageait déjà un 3e referendum.


Du côté du NON, le héros émergeant de cette campagne se nommait Jean Charest, jeune député et ancien ministre conservateur à Ottawa qui, grâce à son extraordinaire don d’orateur, avait monopolisé l’attention au détriment du chef libéral Daniel Johnson. Les sondages démontrant que ce dernier ne ferait pas le poids face à Lucien Bouchard, les militants et organisateurs firent pression pour qu’il soit remplacé. Daniel Johnson se résigna effectivement à céder sa place à Jean Charest qui se retrouva seul candidat à la chefferie du PLQ.


Entre-temps, Robert Bourassa, retiré de la politique trois ans plus tôt, mourut à 63 ans le 2 octobre 1996, emporté par le cancer qui le rongeait depuis quelques années.


Quant à l’élection de 1998, elle fut le choc de deux orateurs charismatiques défendant des positions constitutionnelles aux antipodes l’une de l’autre. Le résultat différa pourtant très peu de celle de 1994. Jean Charest parvint à maintenir le niveau d’appuis antérieurs, mais la concentration du vote libéral dans la région de Montréal lui donnait moins de députés. Le PQ en fit élire 76, les libéraux 48 et Mario Dumont fut réélu dans son comté pour l’ADQ.


Mais un chiffre retint cependant l’attention du premier ministre Bouchard : bien que vainqueur quant au nombre de députés, il avait obtenu globalement 27 000 votes de moins que le Parti libéral.


Il semble en avoir déduit qu’il ne pourrait tenir un 3e referendum gagnant sur la souveraineté-association, contrairement au vœu de nombre de militants de son parti qui lui reprochait son manque d’enthousiasme. En apparence, la politique avait repris une allure plus normale. Le gouvernement gouvernait, l’opposition s’opposait. Mais les frictions au Parti québécois perduraient.

Puis, à la surprise générale, Lucien Bouchard décida de quitter la politique le 8 mars 2001 et favorisa son remplacement par son ministre Bernard Landry plutôt que sa ministre Pauline Marois, ce qui créa une forte tension au Parti québécois.


Entre-temps, Jean Charest multipliait ses présences partout au Québec et se préparait ardemment pour l’élection prévu en 2003. Depuis 1960, aucun parti politique n’avait été élu plus de deux mandats d’affilée. Est-ce que l’élection de 2003 allait changer cette dynamique d’alternance?


Non. Le Parti québécois fut défait. Jean Charest devint premier ministre libéral du Québec avec la majorité au parlement. Et la souveraineté fut à nouveau écartée de l’agenda gouvernemental.

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