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Photo du rédacteurRobert Dutil

Le débarquement de Normandie

Dernière mise à jour : 23 avr. 2022

Gordon Atkinson

Gordon Atkinson, député à l’Assemblée nationale du Québec



Le 6 juin 2019, le monde a souligné le 75e anniversaire du débarquement des forces alliées en Normandie. Cet événement m’a rappelé le discours prononcé le 6 juin 1990 à l’Assemblée nationale du Québec par le député, Gordon Atkinson. J’ai fouillé dans mes archives et j’en ai trouvé le texte de même que la lettre que je lui ai écrite peu après.


Gordon Atkinson fut élu en 1989 à l’Assemblée nationale dans le comté de Notre-Dame-de-Grâce à l’âge de 67 ans, sous la bannière du Parti Égalité. Ce parti venait d’être créé en protestation à l’utilisation de la clause dérogatoire par le gouvernement libéral de Robert Bourassa, épisode que je relaterai dans une lettre ultérieure.



Être l’un des élus d’une assemblée législative nous met en contact avec des personnages étonnants. Gordon Atkinson s’avéra être l’un de ceux-là. Il était largement connu dans les milieux anglophones comme annonceur de radio, acteur, écrivain et directeur de production.


Mais peu de gens savaient qu’au cours de la Seconde Guerre mondiale, il avait été lieutenant d’infanterie et participé au débarquement de Normandie le 6 juin 1944 à l’âge de 22 ans.

Je l’ai moi-même appris le 6 juin 1990 à l’Assemblée nationale alors que j’étais « de garde » lors de la rubrique « motions sans préavis » où M. Atkinson souligna cet événement mémorable.


Je précise, pour votre information, qu' « être de garde » veut simplement dire « occuper son siège en chambre » pour s’assurer que le gouvernement y maintient une majorité d’élus afin de ne pas être renversé inopinément par une prise de vote surprise. Les députés et ministres présents y travaillent donc davantage sur leurs propres dossiers qu’ils ne portent attention aux propos des orateurs. Mais ce n’était pas mon cas, car la motion de M. Atkinson m’intéressait au plus haut point. J’étais curieux d’entendre la version d’un militaire qui avait connu l’horreur d’une si terrible bataille. Le député se leva donc pour soumettre sa motion :

« Merci, M. le Président. Que cette Assemblée nationale souligne le jour du débarquement des forces alliées en Normandie, en reconnaissant tous ceux et celles qui ont pris part à cette bataille décisive qui a mis fin à la Deuxième Guerre mondiale. »


Le vice-président, M. Bissonnet demanda : " Est-ce qu’il y a consentement pour débattre de cette motion?" Après cette formalité, il donna la parole au député Atkinson qui se leva lentement. Toute son attitude imposait le respect. Il portait une large moustache, avait des traits réguliers, une posture droite, une allure solide. Et il commença lentement son discours de sa voix magnifique en partie en Anglais, en partie en Français, habitué par son métier antérieur à s’exprimer avec facilité :

« Merci, M. le Président, I speak today on one of the ten most important dates in the history of the free world: D-Day, the 6th of June 1944. The beginning of the end of Nazi Germany’s domination and tyrannical rule of western Europe. (i)


Dans l’histoire des guerres, il y a eu seulement deux armadas qui ont eu du succès. La première, en 1066, quand Guillaume, le duc de Normandie, a traversé la Manche et a vaincu les Saxons sous la commande du roi Harold. C’est Guillaume le Conquérant qui, en 1087, créa le premier recensement des propriétés, des bâtiments et du bétail aux fins d’impôts. Ils ont été inscrits dans ce qu’on connaît comme le « Domesday Book »


The second successful combined operations of land and sea forces did not take place for nearly a thousand years; and that occurred when the Allied Forces of the Free World invaded the same coast of Normandy from which William the Conqueror hailed, to return freedom to the people of France and all of Europe.(ii)


Je ne parle pas des gloires de la guerre, mais au nom de la paix, de la liberté et de l’espoir pour mettre fin au carnage insensé non seulement de l’esprit, mais aussi du corps.

La guerre n’est pas un spectacle et, en ayant moi-même déjà fait l’expérience, elle laisse aux participants des cicatrices et des souvenirs.


Four thousand ships would embark for the coast of Normandy, carrying over a quarter of a million fighting soldiers. Another thousand warships protected the light infantry while over ten thousand fighter planes and bombers supported that landing. The Canadian soldiers landed, along with the British on three beaches, Sword, Juno, and Gold, while our American cousins attacked the Cherbourg peninsula. On the first day of the invasion, over eleven thousand men would become casualties of war.(iii)



Pour le soldat de l’infanterie, il n’y a pas d’acceptation à la vue d’un soldat mort. Il y a beaucoup trop de morts pour que le cerveau et les yeux enregistrent. La mort pour un soldat n’est pas quelque chose qu’il voit, mais quelque chose qu’il sent. Vous sentez la mort, vous ne la voyez pas. Vous n’entendez ni les bombes ni le feu des mitrailleuses. Ceux-ci sont les bruits normaux de la guerre.


Ce que vous entendez de la guerre est un bruit assourdissant; de façon frappante, c’est le silence.

La normalité de la guerre est le silence qui nous surprend comme un voleur dans la nuit. Le soldat de l’infanterie voit, mais sans voir, la dévastation. Il ne voit pas les ruines d’une vieille église ou d’une abbaye centenaire, ou le musée rempli de la culture de l’homme. Il voit plutôt la petite fleur et le lilas qui ont survécu à l’assaut des bombardiers et des cartouches de l’artillerie.


The graves of Canada’s dead are scattered across the landscape of France and the low countries, tended with deep reverence by the generation of the men and women who gratefully acknowledge the tenacity and courage of the Canadian Armed Forces throughout six long years of war that culminated in the Normandy invasion on the 6th of June 1944.


On this day, the 6th on June 1990, 46 years later, at the going down of the sun and in the morning, we will remember them, (IV) nous nous souviendrons d’eux. Merci M. le Président. »


Les discours des députés à l’assemblée varient énormément en longueur. Ils sont habituellement limités à 20 minutes. Mais ceux des ministres ou des représentants de l’opposition officielle durent parfois une heure. Cependant, les discours dans le cadre des motions sans préavis sont en général très courts, comme celui que nous avait livré le député Atkinson.


Même très court toutefois, cet ancien lieutenant d’infanterie l’avait livré de la manière éloquente dont seuls sont capables ceux qui ont vécu de tels événements dans leur chair. De retour à mon bureau, je décidai de lui écrire un petit mot de reconnaissance que j’ai retrouvé dans mes archives. Le voici :


« M. Gordon Atkinson, member for Notre-Dame-de-Grâce, National Assembly, Parliament building, Quebec, G1A 1A4


Dear Sir,

I took care to read with attention your short address of June 6th, and what an eloquent speech it was, commemorating the landing of the Allied Forces in Normandy.


You have expressed with knowledge and in a few words the horrors of war, even if this one was necessary to save democracy; I retain particularly this phrase: “Il n’y a pas de gloire dans la guerre. Cependant la guerre est héroïque quand on défend la liberté et, pour nous, ça devient un acte de foi obligatoire. »


I retain also this evocating paragraph about the soldier’s state of mind: “… le soldat de l’infanterie voit, mais sans voir la dévastation. Il ne voit pas les ruines d’une vieille église ou d’une abbaye centenaire, ou le musée rempli de la culture de l’homme. Il voit plutôt la petite fleur et le lilas qui ont survécu è l’assaut des bombardiers et des cartouches de l’artillerie. »


May the next generations remember these dramas to avoid falling into the same traps of intolerance and violence.


Thank you for your testimony; it has touched me deeply,


Respectfully,


Robert Dutil”(v) »



(v) Cher Monsieur, J’ai pris soin de lire avec attention votre court discours du 6 juin. Il a été très éloquent sur la commémoration du débarquement des forces alliées en Normandie. Vous avez exprimé, en connaissance de cause et en peu de mots, les horreurs de la guerre, même si celle-ci fut nécessaire pour sauver la démocratie; j’ai retenu particulièrement cette phrase… J’ai retenu aussi ce paragraphe évocateur au sujet de l’état d’esprit du soldat… puissent les futures générations se rappeler ces drames afin d’éviter de retomber dans les mêmes pièges d'intolérances et de violence. Merci de votre témoignage; il m’a touché profondément, respectueusement.

(iv) Les tombes des morts canadiens sont réparties à travers les terres de France, entretenues avec respect par les générations d’hommes et de femmes qui, reconnaissants, apprécient grandement la ténacité et le courage des forces armées canadiennes tout au long des six longues années de guerre qui ont culminé lors de l’invasion de la Normandie le 6 juin 1944. En ce sixième de juin 1990, 46 ans plus tard, au coucher du soleil et au matin, nous nous souviendrons d’eux.

(iii) Quatre mille navires déferlèrent sur la côte de Normandie, transportant plus d’un quart de millions de soldats. Un autre millier de navires protégèrent l’infanterie légère, alors que plus de 10 000 avions et bombardiers soutenaient le débarquement. Les soldats canadiens débarquèrent en compagnie des britanniques, sur trois plages, Sword, Juno et Gold, pendant que nos cousins américains attaquaient la péninsule de Cherbourg. Le premier jour de l’invasion, plus de onze mille hommes devinrent des victimes de guerre. (ii) Les opérations combinant les forces terrestres et marines ne se produisirent que près d’un millier d’années plus tard; et elles se produisirent lorsque les forces alliées du monde libre envahirent la même côte de Normandie d’où Guillaume le Conquérant ramena la liberté au people de France et de toute l’Europe.

(i) Je souligne aujourd’hui l’une des dix plus importantes dates de l’histoire du monde libre : le jour J, le 6 juin 1944. Le début de la fin de la domination et de la tyrannie de l’Europe de l’Ouest.

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