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Photo du rédacteurRobert Dutil

« Impeachment »

Dernière mise à jour : 6 juin 2022

Le second procès en destitution du président Trump

Kamala Harris, vice-présidente des États-Unis et présidente du Sénat.



Le 6 janvier 2021, à la toute fin de son mandat, l’ex-président Trump a créé un précédent qui contribue à nouveau à ébranler la constitution des États-Unis. Il a encouragé ses partisans à « marcher » sur le Capitole, siège du Congrès américain, dans le but d’empêcher les élus qui y étaient réunis de certifier la victoire de son adversaire démocrate Joe Biden, victoire pourtant déjà confirmée par le collège électoral trois semaines plus tôt. L’ex-président affirme encore publiquement avec véhémence que ces résultats sont frauduleux.


Comme on le sait, cette marche vers le Capitole a tourné à la violence et s’est terminée par le saccage des lieux où les membres des deux chambres siégeaient.

Ils ont dû être mis à l’abri temporairement pour protéger leur sécurité physique. Ils ne purent reprendre et terminer leur travail que beaucoup plus tard dans la soirée sous la protection de la garde nationale finalement appelée en renfort par le Vice-Président Mike Pence, devant le silence inexplicable de Donald Trump. Et la victoire de Joe Biden fut confirmée malgré cette manœuvre désespérée de l’ex-président.


Lors de ces émeutes, cinq personnes ont perdu la vie et des centaines ont été blessées. Dès les jours qui ont suivi, la Chambre des représentants a « mis en accusation » l’ex-président pour « incitation à l’insurrection ». Fait inhabituel, dix représentants républicains ont voté cette fois-ci avec les démocrates.


Donald Trump a donc dû subir un second procès en destitution au sénat au cours de son mandat.

Ce procès s’est tenu à partir du 9 février.


Entre-temps, un vote a été demandé et pris au sénat sur la constitutionnalité de destituer un président qui n’est plus en fonction depuis le 21 janvier. Quarante-cinq des 50 sénateurs républicains ont estimé qu’il était anticonstitutionnel de le faire. Comment peut-on en effet démettre de ses fonctions une personne qui a déjà été démise de ces fonctions à la suite des résultats des élections du 3 novembre? En toute logique, on ne peut pas « mettre à pied » quelqu’un qui a déjà été mis à pied. Ils rejettent donc la démarche de « l’Impeachment », espérant ainsi éviter toute discussion sur le fond.


Est-ce que le texte actuel sur l’impeachment peut être plus explicite? Difficilement. La cause du problème ne vient pas de là, mais de la majorité requise : il faut l’approbation des 2/3 des sénateurs pour l’emporter, c’est-à-dire 67 d’entre eux. Et on sait déjà que probablement 45 sénateurs républicains voteront contre. Il en manquerait donc au moins 12.


Et on ne peut pas raisonnablement ramener la décision à la majorité simple dans une institution où la partisanerie atteint une virulence si féroce. On risquerait des procédures en impeachment à chaque controverse.

Mais nous savons tous que la vraie question est la suivante : l’ex-président a-t-il incité ses partisans à l’insurrection? Et si oui, est-il clair, à la lecture de la constitution, que l’on peut « punir » l’ex-président de ses gestes par « l’impeachment »? La réponse : « ce n’est pas clair [1] ». Et puisqu’il n’a pas été condamné, il pourrait tenter d’être à nouveau candidat en 2024, malgré toutes les spéculations actuelles à ce sujet.


Il était cependant important que les citoyens américains obtiennent l’opinion explicite des sénateurs des États-Unis sur les gestes posés par le personnage le plus important de l’État, même si cette transparence n’a pas ébranlé le vote sénatorial en rejetant l’accusation 57 à 43. Au moins, le choix de chaque sénateur est maintenant connu publiquement.


L’opinion de l’un de ces sénateurs s’avère particulièrement importante : celle du chef des républicains, Mitch McConnell, 78 ans, en poste depuis 1984 et réélu en 2020 pour la 7e fois. Soutien fidèle du président Trump au cours de son mandat, il s’est distancé cependant de ce dernier après le vote des grands électeurs le 15 décembre 2020 qui confirma la victoire de Joe Biden. Il accepta ce verdict.


Il incarne parfaitement le malaise de certains républicains sur les événements du 6 janvier. Après le vote d’acquittement de Donald Trump, il fit une déclaration où ressort son amertume:


« Il ne fait aucun doute, aucun, que le président Trump est, dans les faits et moralement, responsable d’avoir provoqué les événements de cette journée » du 6 janvier.

S’il a voté contre la destitution, c’est qu’il estimait que le Sénat n’était pas compétent dans une procédure de destitution, puisque Trump avait quitté le pouvoir.


À vrai dire, il aurait été étonnant qu’un nombre suffisant de sénateurs républicains s’infligent l’humiliation d’un premier impeachment dans l’histoire des États-Unis. Leur image en aurait subi un dommage irréparable. La démission du président Richard Nixon en 1974 leur avait épargné cette situation après le scandale du Watergate, car le sénat, cette fois-là, s’apprêtait à le destituer.


Donald Trump n’a donc pas été sanctionné par le sénat pour ses gestes. Est-ce que cela devrait au moins entraîner une modification à la constitution américaine pour éviter la répétition d’un tel événement? Non. Le meilleur texte du monde, le plus clair énoncé qui soit, ne peut pas appréhender toutes les situations possibles. Et les meilleures constitutions du monde ne peuvent pas résister à la mauvaise foi, à la corruption, à l’attitude cynique des êtres humains.


Par ailleurs, le changement proposé dans une précédente lettre (#10 intitulée « collège électoral ou suffrage universel ») réduirait probablement ce risque à zéro : en effet


si le gagnant de la présidence était le candidat ayant obtenu le plus de votes au suffrage universel au lieu de celui choisi par l’archaïque collège électoral, le résultat serait clair et connu presque immédiatement.

La période de transition pourrait en conséquence être réduite à une quinzaine de jours comme dans les autres démocraties du monde, et éviter les risques de dérapage que l’on vient de connaître.


Quant à l’avenir de Donald Trump, ce dernier ne devrait pas trop se réjouir de sa situation présente. Il est faux de prétendre que l’ensemble des républicains approuve leur ex-président. Cet acquittement est-il si grave? Le Parti républicain en ressort fragilisé. Même si les républicains lui ont évité (et se sont évité par la même occasion) une grave humiliation par le rejet des accusations au sénat, ils sont nombreux à ne plus appuyer un homme qui a perdu en même temps la Chambre des représentants, la présidence et, à la suite des deux défaites historiques aux élections du Sénat en Géorgie, la majorité au Sénat lui-même. Rappelons qu’à 50 sénateurs de chaque côté, le président a un vote prépondérant. Et ce président, ou plutôt, cette présidente est la vice-présidente des États-Unis, la démocrate Kamala Harris.


Aussi, contrairement à plusieurs analystes de la scène politique américaine, je crois que l’influence de Donald Trump s’estompera graduellement.

Non seulement une grande partie des membres influents de son parti le délaisse déjà, mais, ne pouvant plus bénéficier de l’immunité de président des États-Unis, il sera vraisemblablement attaqué en justice de toute part et en aura plein les bras à devoir se défendre d’une multitude d’accusations.


L’ex-président se battra néanmoins avec la vigueur qu’on lui connaît sans égard aux dommages pour son parti. Les couteaux voleront bas entre les républicains pro-Trump et anti-Trump. La guerre intestine est commencée. Elle risque de faire voler en éclat cette coalition de droite.


Les démocrates vivent également leur propre tension interne entre l’aile gauche et les centristes, mais ils devraient être plus à même de garder une certaine unité interne avec l’expérimenté Joe Biden, un leader plus modéré, et plus diplomate que Donald Trump.



[1] L’article 1 section 2 de la Constitution américaine se lit comme suit : « … les condamnations prononcées en cas d’impeachment ne pourront excéder la destitution et l’interdiction d’occuper tout poste de confiance ou d’exercer toute fonction honorifique ou rémunérée des États-Unis; mais la partie condamnée sera néanmoins sujette à accusation, procès, jugement et condamnation suivant le droit commun … »



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