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Photo du rédacteurRobert Dutil

Introduction aux Lettres d'Anticosti

Dernière mise à jour : 3 juin 2022

Une île plus grande que la Corse

Henri Menier, richissime chocolatier français



Il existe, à l’est du Canada, une île plus grande que la Corse, couchée à l’embouchure du fleuve Saint-Laurent telle la gardienne de l’entrée de cet immense cours d’eau. On dit que les autochtones de l’époque y chassaient l’ours brun. En 1534, l’explorateur français Jacques Cartier en fit le tour et la mentionna dans ses écrits. En 1680, le roi français Louis XIV l’offrit à Louis Joliet en récompense de son exploration du Mississippi, mais, à sa mort, ses trois enfants s’en départirent.


Après la conquête britannique en 1763, l’île fut annexée à Terre-Neuve, puis, en 1774, elle passa sous le contrôle de la province de Québec. Un autre siècle s’écoula sans autre développement que la construction de trois phares pour alerter les navires des dangers de ses côtes.


Puis en 1874, on tenta de la coloniser. En vain. Ce fut un lamentable échec.

Finalement, les propriétaires britanniques cherchèrent un acheteur. Le riche chocolatier français, Henri Menier, confia à son ami, Georges-Martin Zédé, une mission d’exploration d’une dizaine de jours. Il fut ébloui par la beauté de l’île et lui en recommanda l’achat, ce qu’il fit en 1895. Georges-Martin Zédé fut mandaté par le nouveau propriétaire pour gérer le tout. Il y développa, entre autres, l’industrie des pâtes de bois et de la pêche au homard. On y construisit un chemin de fer de plus de 30 km pour exploiter la forêt. On y établit un port, l’unique de l’île, sur la côte ouest, qui fut éventuellement baptisé Port-Menier. De nouvelles espèces furent implantées sur l’île dont en particulier le cerf de Virginie. L’ours y disparut, décimé par la chasse. Menier y interdit la présence de chiens, craignant qu’ils ne se multiplient sur l’île et deviennent les prédateurs des cerfs. Tous ces gestes, toutes ces décisions changèrent profondément la faune d’Anticosti.


Cette acquisition avait fait d’Henri Menier, le plus grand propriétaire foncier privé au monde.

Il eut toutefois maille à partir avec les quelques pêcheurs anglophones installés depuis longtemps à Fox Bay. Ils ne reconnaissaient pas son titre de propriété. Après une lutte acrimonieuse qui fit les manchettes des journaux de l’époque, Menier l’emporta finalement.


Ce fut la plus longue période de développement de ce paradis terrestre. Henri Menier, à peine âgé de 60 ans, mourut prématurément en 1913 à la suite d'une maladie. Son frère Gaston hérita de l’île et laissa Georges-Martin Zédé aux commandes jusqu’en 1928. Après quoi, il fut décidé de vendre cette propriété unique, mais qui coûtait davantage qu’elle ne rapportait.


Lors de la mise en vente en 1928, l’un des acheteurs potentiels pressentis fut Édouard Lacroix de la Beauce québécoise, surnommé King Lacroix, l’un des plus gros industriels forestiers du Québec d’alors.

Il décida d’y envoyer, en exploration, son homme de confiance, Herménégilde Groleau. Né d’une mère Abénakis (Algonquins) et d’un père Français, il était le représentant parfait du coureur des bois d’Amérique, il vivait habituellement en Beauce dans un village près de la frontière américaine. Il pouvait partir seul dans les bois en exploration avec son seul sac à dos, muni de quelques vêtements, d’une couverture pour dormir, de viande salée et autre nourriture minimale. Il vivait et dormait dans la forêt si nécessaire.


Édouard Lacroix l’envoya à Port-Menier où il entreprit à pied un long périple avec comme mission d’y évaluer le potentiel forestier. On peut imaginer que les résidents de l’île le guidèrent jusqu’à l’admirable rivière Jupiter, et qu’il y vit sauter hors de l’eau les énormes saumons venus y frayer comme chaque année. Ils lui firent sans doute découvrir aussi les magnifiques paysages du nord de l’île avec ses caps à la verticale de plus de 100 mètres qui plongeaient dans le fleuve glacé. Il ne manqua certainement pas de voir l’abondance des descendants des cerfs de Virginie dont Henri Menier avait amené 200 spécimens sur l’île 30 ans plus tôt.


Ces merveilles, pour impressionnantes qu’elles soient, n’influencèrent cependant pas son jugement sur la forêt d’Anticosti, lui qui quelques années plus tôt avait parcouru celles magnifiques du haut de la rivière Allagash dans le nord du Maine américain. Il sillonna la plus grande partie de l’île sur sa longueur en suivant la ligne de la séparation des eaux, car il lui était plus facile d’y progresser sans devoir traverser les cours d’eau abondants. À son retour, il fit à son parton le portrait d’une forêt rabougrie par le froid rigoureux des hivers et tordue par la force tournoyante des vents. Et Édouard Lacroix, fort occupé par ses entreprises forestières du Maine et du sud du Québec, et son nouveau poste de député de Beauce à Ottawa, se désintéressa de cette île lointaine où il ne percevait pas la possibilité de rentabilité.


Elle fut vendue à une entreprise qui plus tard changea de nom pour devenir la « Consolidated Bathurst ». Elle en exploita la forêt tant bien que mal. Puis en 1974, le gouvernement du Québec l’acheta pour environ 25 M$ et la divisa en trois pourvoiries au profit des habitants de l’île, sauf une partie importante de l’ouest quelle garda sous le contrôle de l’organisme gouvernemental la SEPAQ. C’est sur ce territoire que coule la célèbre rivière à saumons, la Jupiter. Cette organisation perdure encore aujourd’hui.


Par les efforts des Henri Menier, George Martin-Zédé, et quelques autres, Anticosti a développé son économie et enrichi son écosystème. Chaque été et chaque automne, les chasseurs et les touristes peuvent y croiser les quelque 120 000 descendants des 200 cerfs de Virginie, introduits sur l'île par Menier .


Je fis plusieurs séjours sur cette île magnifique, m’y adonnant aux diverses activités de plein air qu’un si vaste espace autorise. C’est au cours de l’un d’eux que j’élaborai le présent projet d’écriture; d’où le titre de « Lettres d’Anticosti ».


Les "Lettres d'Anticosti" se divisent en six parties.
La première reprend en 8 lettres la vie tumultueuse d'Édouard Lacroix que ses contemporains appelaient "King Lacroix", concernant ses exploits et ses échecs en affaires à partir de 1911 et ses démêlés avec le premiers ministres du Québec Alexandre Taschereau et Maurice Duplessis à partir de 1925 jusqu'à sa mort en 1963. La seconde partie traite en 7 lettres de la saga constitutionnelle Québec-Canada, plus particulièrement entre 1970 et 2003, de la promesse référendaire au second referendum. La troisième partie conte en 10 lettres certains épisodes du retour imprévu en politique québécoise que j'ai effectué en 2008 jusqu'en 2015. La quatrième partie comprend 9 lettres de sujets divers du vaste monde. La cinquième partie concerne la politique américaine en 5 lettres. La sixième et dernière partie traite en 12 lettres de la guerre et la paix dans le monde.

J’y utilise le souvenir de mes expériences diverses en affaires et en politique, et les notes des lectures abondantes que mon appétit de connaissances m’a fait engloutir au fil des années.


J’ai donné le nom de « lettres » à ce projet, car, comme je viens de le mentionner, vous n’y trouverez pas de lignes directrices ni de thème unique. Les textes y seront courts, l’objectif étant de concentrer votre attention à chaque fois sur un sujet bien ciblé.


Vous y reconnaîtrez sans doute différents personnages dont je montrerai davantage les côtés positifs que les négatifs, contrairement à la mauvaise habitude des êtres humains de davantage dénigrer leurs concitoyens que de reconnaître leurs mérites.


Je réfère ici plus particulièrement aux personnages connus pour leur participation comme élus à la politique en général bien sûr, mais plus particulièrement à la politique québécoise à laquelle j’ai consacré 16 ans de ma vie, dont 12 ans comme ministre du gouvernement. Je dois dire que cette expérience politique s’est déroulée sur une période de 30 ans (1985-2015) en 2 périodes bien distinctes : 1985-1994 sous le premier ministre Robert Bourassa et brièvement sous Daniel Johnson; puis entre 2008-2015 principalement sous Jean Charest, mais aussi dans l’opposition sous la première ministre du Parti Québécois, Pauline Marois; puis à nouveau sous les libéraux dirigés par Philippe Couillard.


Il est souvent très intéressant de revoir les événements connus du public à partir d’un œil « intérieur », d’autant qu’il s’agit effectivement d’une interprétation inédite.


Chacune des lettres est agrémentée d’une illustration d’une artiste québécoise, Claudine Dufour, dont vous allez pouvoir apprécier l'immense talent. Les versions anglaises sont l'œuvre de l'excellent traducteur Yvan Dumontier.


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1 Comment


Paul Andre Busque
Paul Andre Busque
Jan 15, 2022

Bravo Robert pour cette excellente initiative des Lettres d'Anticosti. Elles me permettre de découvrir et de mieux connaître la renommée de la famille Lacroix/Dutil et le milieu politique. Félicitations pour ce travail remarquable et tout ce que tu as accompli.

Amicalement

Paul-André Busque

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