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L’avortement


Basilique Saint-Pierre de Rome



L’avortement est un choix pour les femmes qui ne désirent pas mener à terme une grossesse. Interrompre volontairement l’avènement d’une nouvelle vie est un choix déchirant, dicté par des circonstances l'exigeant. Celles qui doivent s'y résoudre ne souhaitent pas qu’une telle expérience se répète.


Son histoire remonte à la plus haute antiquité. À toutes les époques, semble-t-il, les dirigeants politiques ont tenté de contrôler la fécondité de leur peuple. Les connaissances et prescriptions le concernant se retrouvent dans le célèbre code du roi mésopotamien Hammurabi vers 1750 A.C. qui l’interdit clairement. Mais en Égypte, au 16e siècle A.C., sous le pharaon Amenhotep 1er , un traité médical égyptien connu sous le nom de « papyrus Ebers » contient des prescriptions pour provoquer l’avortement. Plus tard, la Grèce classique et la Rome Antique réprouvent les interruptions de grossesse, mais ne les interdisent pas dans leurs législations.


Puis avec l’émergence de la chrétienté, la plupart des Églises chrétiennes le condamnent fermement.

Au Moyen Âge, toutefois, on lui applique des sanctions différentes selon qu’il est pratiqué avant ou après l’animation du fœtus. Au 13e siècle, les théologiens fixent même l’apparition de l’âme à une durée de gestation différente selon le sexe: 40 jours pour les garçons; 80 jours pour les filles. Cependant, en 1585, le pape Sixte Quint condamne l’avortement quel qu’en soit le terme.


Ces interdits n’empêchent pas son existence. Avant 22 semaines de grossesse, le fœtus n’est pas viable. Sa perte involontaire est alors considérée comme une fausse couche. Après 22 semaines, il s’agit d’un accouchement prématuré.


Dès le début du 18e siècle, particulièrement en France, les femmes mariées recourent à l’avortement pour limiter la taille de leur famille.


Mais en 1869, cohérent avec les opinions passées, le pape Pie IX déclare que cette pratique est un péché mortel quelles que soient les circonstances; et que quiconque y participe s’excommunie de l’Église catholique romaine.

Et aux États-Unis, de 1820 à 1900, les médecins de l’Association médicale américaine et les législateurs en rendent tous les types illégaux.


La révolution en Russie, à la fin de la Première Guerre mondiale, vient cependant changer la donne dans ce pays. Le premier dirigeant communiste, Lénine, lève l’interdiction de l’avortement et devient ainsi le premier pays à l’avoir légalisé. Son successeur, Staline, l’interdit pourtant à nouveau en 1936 pour augmenter la population stagnante de son pays, mais elle est rétablie en 1955 pour lutter contre la mortalité des femmes lors d'avortements clandestins.


Aussi récemment que 1943, en France, une femme nommée Marie-Louise Giraud, reconnue coupable d’avoir pratiqué 27 avortements, est guillotinée.


Pourtant, à partir de 1970, et plus particulièrement dans les années 1990 à 2020, une cinquantaine de pays vont la libéraliser sur des bases issues de la recherche scientifique.

L’avortement clandestin comporte un risque important et est responsable d’un décès maternel sur huit dans le monde. En 1969, le Canada dépénalise l’avortement dans certaines circonstances. En France, la loi Veil du 17 janvier 1975 va également dans cette direction. En Chine, le nombre d’avortements semble en étroite corrélation avec la politique de l’enfant unique adopté en 1979 pour contrer la surpopulation et ainsi atténuer les problèmes sociaux, économiques et environnementaux qu’elle entraîne. Et là où il est illégal, il semble y avoir un niveau important de sous-déclaration.


Aux États-Unis, la lutte politique se poursuivit au cours du 20e siècle entre ces deux antagonistes. D’un côté, les citoyens qui y sont favorables plaident que les femmes ont droit de disposer de leur corps en toute liberté selon leurs propres décisions et sans intervention de l’État. Les modérés de ce mouvement acceptent cependant que ces interruptions de grossesse volontaires doivent se produire dans un délai raisonnable après la fécondation. Ce délai est estimé à 14 semaines.


De l’autre côté, les citoyens américains qui y sont défavorables plaident que les humains ne devraient avoir aucun pouvoir de contrecarrer la volonté de Dieu. Les plus radicaux estiment que toute intervention humaine devrait être interdite dès la fécondation de l’ovule et dans n’importe quelle circonstance, y compris le viol ou l’inceste. Ils veulent que les législations criminalisent les contrevenants, y compris ceux qui contribuent à rendre possibles ces interruptions de grossesse. Ils déplorent que la Cour suprême soit intervenue pour l’ensemble des États-Unis 50 ans plus tôt, estimant que cette question relève de chaque État. Il faut rappeler qu’aux États-Unis, le pouvoir résiduel appartient aux états et non au gouvernement fédéral. Et que donc tout ce qui n'a pas été prévu dans la Constitution relève de chacun des états.


Voilà la problématique qui a amené la Cour suprême des États-Unis à prendre en 1973 une décision célèbre connue sous le nom de « l’arrêt Roe contre Wade ».

Elle y déclare que toute interdiction d’avortement durant le premier trimestre est inconstitutionnelle, même si cette interprétation n’est pas écrite explicitement dans le texte de 1789. Elle permet cependant aux états de le proscrire durant le second trimestre, sauf si celui-ci est effectué dans l’intérêt de la santé mentale ou physique de la femme. Enfin, elle légalise l’avortement, quel que soit le trimestre, si le médecin pense qu’il est requis par la santé mentale ou physique de la femme. Et elle soutient que seul l’intérêt supérieur de l’État pourrait justifier une réglementation qui limiterait le droit individuel à la protection de la vie privée.


De plus, en 1992, par l’arrêt Planned Parenthood v. Casey, la Cour suprême confirme la jurisprudence Roe v. Wade, mais autorise les états à interdire l’avortement après le point de viabilité du fœtus, à l’exception des cas risqués pour la santé de la femme.

Ces décisions de la Cour suprême ont prévalu depuis, mais ont constamment été contestées par les opposants à l’avortement qui sont parvenus, à la suite de trois nominations conservatrices à cette cour sous Donald Trump, à obtenir une majorité de six juges contre trois.


C’est ainsi que, le 24 juin 2022, cette nouvelle majorité annule « l’arrêt Roe contre Wade ».

Pourtant, les sondages d’opinion montrent nettement que la majorité des Américains soutenait cet arrêt, mais la Constitution américaine ne peut être modifiée ni par sondage ni par référendum comme c’est le cas de plusieurs pays dans le monde. Elle ne peut être modifiée que sur la demande des gouvernements de 75 % des États (38 sur 50) et le vote des deux tiers des membres des deux chambres du Congrès, c’est-à-dire de la « Chambres des représentants » et du « Sénat ». Les pères de la Constitution voulaient clairement que la difficulté pour la modifier soit élevée pour éviter de la dénaturer. Depuis 1789, les États-Unis ne l’ont modifiée qu’à 26 reprises, dont 10 amendements appelés communément « charte des droits », adoptés dès 1789. Les 16 autres amendements se sont répartis au compte-gouttes tout au long de l’histoire américaine, et en ne procédant qu’un élément à la fois.


Dans le cas de l’avortement, ce niveau pour changer la Constitution n’a aucune chance d’être atteint actuellement. Il n’y a pas 75% des États, ni 66% des membres du Congrès américain disposés à l’approuver pour combler le vide légal qu’a entraîné l’annulation par l’actuelle Cour suprême de l’arrêt Roe v. Wade. Chaque État peut dorénavant l’interdire totalement et imposer les pénalités de son choix contre les contrevenants. Les États-Unis se retrouvent donc avec la possibilité que coexistent 50 législations différentes sur leur territoire concernant l’avortement, dans un pays où pourtant règne la libre circulation des citoyens entre tous ces états. Une situation de grande confusion.


Rappelons que, lorsque la Constitution ou les lois sont claires, la Cour suprême, respectueuse de la séparation des pouvoirs législatif et judiciaire, les applique fidèlement. Donald Trump en a fait les frais lors de sa contestation du résultat électoral en 2020. Il estimait qu’une décision de la cour lui serait favorable, puisqu’il en avait fait nommer trois membres. Mais les juges, après leur nomination à vie, prêtent serment d’appliquer fidèlement la Constitution et non les directives du président. La Cour suprême a donc rejeté unanimement sa demande. Bref, lorsque la législation est claire, la Cour suprême n’est ni conservatrice, ni libérale. Elle est simplement l’interprète fidèle de la Constitution.


Ce n’est plus le cas concernant l’avortement depuis le 22 juin 2022. Voilà donc pourquoi cette question est insoluble aux États-Unis pour l’instant. Il n’y a aucun compromis possible entre ceux qui sont « pour » et ceux qui sont « contre ». La tension sociale sur le sujet augmentera sûrement au cours des prochaines années avec des conséquences imprévisibles et possiblement violentes.


Dans ce pays, le nombre d’avortements a atteint un niveau maximum de 1 400 000 en 1990, soit de 339 par 1 000 femmes de 15 à 45 ans. Puis il a diminué graduellement au niveau de 638 000 en 2015, soit un niveau de 188 par 1 000 femmes de 15 à 45 ans.


Dans le monde, le nombre d’avortements est estimé à environ 40 millions par année, dont plus de 20 millions sont effectués dans les pays en développement, de manière illégale et dans des conditions d’hygiène précaires. Seulement 39% de la population de la planète vit là où les interruptions volontaires de grossesse sont légales à diverses conditions.


Rappelons que l’avortement est un choix personnel d'une femme à disposer de son corps. En nier l’existence ne le fera pas disparaitre. L’antique débat sur l’avortement continuera donc encore longtemps à remuer les sociétés humaines; et malgré la criminalisation qui revient en force dans plusieurs États des États-Unis d’Amérique, elle ne fera pas disparaitre la réalité que des femmes refusent de poursuivre une grossesse pour des raisons qui leur appartiennent. Les positions des pro-vie (anti-avortement) et des pro-choix (pro-avortement) s’avèrent absolument irréconciliables et continueront malheureusement à déchirer la société américaine et à provoquer parfois des débordements violents.



Prochaine lettre: La corruption

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