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La corruption

Dernière mise à jour : 2 nov. 2022


La corruption est un venin mortel


Dans les sociétés humaines, la corruption existe depuis toujours, bien que le niveau et les méthodes varient énormément.


Dans l’antiquité, le grand philosophe Platon (428-348 AEC) la condamnait en exigeant, entre autres, que ceux qui remplissaient une fonction envers la Cité le fassent sans recevoir quelque cadeau que ce soit; à défaut de quoi, les coupables devaient être mis à mort sans pardon.


La corruption peut concerner toute personne possédant un pouvoir de décision. Elle se compose de trois éléments: il y a d’abord un abus de pouvoir en échange d’une incitation, d’un avantage indu, d’un trafic d’influence; ensuite, cet abus se fait à des fins privées en vue d’un enrichissement personnel; et enfin, le pouvoir dont on abuse a été reçu par délégation.

Son niveau atteint des sommets stratosphériques dans les pays où l’organisation sociale et politique ne laisse aucune liberté à ses citoyens; là où il n’y a pas d’indépendance ni de la justice ni de la presse; là où les dirigeants politiques ne sont pas choisis par les citoyens; là où la liberté de manifester publiquement son désaccord est interdite. Bref, dans les pays autoritaires. Le véritable patron de ces États en est le crime organisé et l’espoir d’échapper un jour à cet engrenage est infime.


Dans ces pays, le seul véritable frein à cette corruption vient de l’inquiétude des autocrates d’être balayés par les révoltes populaires incontrôlables qu’elle pourrait susciter. D’où un certain partage des richesses avec le peuple. Dans ces pays, un calme factice peut donc exister à la fois grâce à ce partage minimal, mais aussi par crainte de sévères et violentes représailles.


Et comme précaution supplémentaire, on empêche la population de connaître la situation plus enviable d’autres pays mieux nantis. La désinformation s’ajoute aux outils de contrôle de «Big Brother».


Toutefois la corruption n’est pas l’apanage des seuls pays autoritaires. Les pays libres n’en sont pas exemptés. Et ces abus peuvent se faire dans certains d’entre eux de manière tout à fait légale.

Ainsi, aux États-Unis, un arrêt rendu en 2010 par la Cour suprême et titré « Citizens United v. Federal Election Commission”, permet, sous l’argument du respect de la liberté d’expression, de subventionner des associations électorales, sans aucun plafonnement des montants. Elle postule que le loup dans la bergerie aura un comportement tout à fait paisible face au troupeau sans défense des moutons qui circulent librement dans le même espace. Une illusion dangereuse.


Dans bien des pays, une telle pratique est prohibée parce qu’elle donne un instrument d’influence d’une telle puissance que la population se retrouve sans défense face au martèlement de cette propagande.


Les pouvoirs publics ont heureusement interprété, y compris aux États-Unis, que dans certains cas où la santé publique est en jeu, il est non seulement de leur pouvoir, mais également de leur devoir d’intervenir.

Ainsi fut-il fait depuis quelques années dans la lutte contre le tabagisme, où la publicité des fabricants de produits du tabac incitant à les consommer a d’abord été attaquée sur ses omissions, puis sur ses odieux mensonges, pour enfin être parfois complètement interdite devant le fléau que représentait l’usage du tabac et les maladies qu’il engendre. D’immenses poursuites juridiques ont même été lancées avec succès pour obtenir des dommages financiers en faveur des victimes de ces fausses publicités.


Pour revenir à la publicité électorale sans plafond aux États-Unis, les deux cents entreprises les plus actives politiquement ont, entre 2007 et 2012 selon le rapport de la Sunlight Foundation, dépensé 5,8 milliards $ en frais de ce type. Au cours de la même période, elles ont reçu 4 400 milliards de dollars en divers avantages (750 fois plus que les dons): subventions, exonérations, réduction d’impôts, etc.


Toutefois, le lien entre les dons électoraux et les avantages obtenus est parfois difficile à établir. Et évidemment, les acteurs de ces stratagèmes nient avec véhémence tout lien entre les deux.

On ne doit pas se laisser aveugler par la répétition massive de leur propagande. L’objectif des donateurs consiste à rendre légales les pratiques favorables aux économiquement puissants, tout en punissant sévèrement les transgressions des groupes moins puissants. Il n’est pas étonnant d’en arriver à ce que ceux qui investissent le plus pour gagner les élections, disposent d’un avantage indéniable sur leurs adversaires moins bien financés.


Aux États-Unis, les 500 représentants au Congrès des États-Unis n’obtiennent qu’un mandat de deux ans à chaque élection (le président obtient un mandat de quatre ans et les 100 sénateurs un mandat de six ans.) Les Pères de la fédération américaine souhaitaient que les élus restent proches de leurs électeurs et favorisèrent en conséquence un mandat de courte durée. Il s’agissait d’un moyen de s’assurer de ce résultat, croyaient-ils. Mais cette époque datait d’avant l’avènement du suffrage universel et des médias de communications à diffusion immédiate et étendue, ce qui fit exploser les coûts des campagnes électorales.


Le résultat d’un mandat aussi court entraîne aujourd’hui l’obligation, pour les candidats, de solliciter constamment les dons importants requis pour les financer. Et malheureusement, tous les donateurs ne sont pas des partisans désintéressés appuyant un individu pour ses convictions politiques.


Beaucoup d’entre eux estiment qu’il s’agit d’un échange de bons procédés pour obtenir des avantages personnels bien tangibles et monnayables en leur faveur ou de celle de leur groupe. Les représentants du Congrès américains sont donc devenus plus redevables de leur renouvellement de mandat à leurs donateurs qu’à leurs électeurs.

Et la conséquence inévitable d’une telle situation est l’influence importante que ceux-ci ont acquis sur le choix des législations adoptées par cette assemblée d’élus.


Bien des gens hésitent à nommer cette situation « corruption » puisque cela se passe dans la plus stricte légalité. Voilà un scrupule dénué de sens. Ce n’est pas parce qu’une façon de faire a reçu la bénédiction légale d’un État qu’il ne s’agit pas de corruption. Et ce cas-ci peut difficilement être plus clair : des individus, aux États-Unis, achètent des votes à la Chambre des représentants pour obtenir des législations qui servent leurs intérêts particuliers.


Dans le monde entier, selon la banque mondiale, en 2001-2002, 1 000 milliards de $ auraient été détournés en pots-de-vin pour favoriser indûment divers groupes. Cette somme représente 3 % des échanges de la planète pour cette même période.


Mais de combien ces pots-de-vin qui éliminent la véritable concurrence ont-ils augmenté le coût des biens vendus pour les clients? Voilà qui es t bien difficile à déterminer. Les estimations varient entre 10 et 20 %. Il s’agit de sommes gigantesques.


Mais à la fin, le pire concerne la qualité de ces produits. Si les corrompus peuvent obtenir une hausse injustifiée des prix, ils peuvent aussi réussir à livrer des produits non conformes aux exigences de qualité, ce qui peut entraîner une baisse importante de leur durée de vie. L’effondrement de certaines infrastructures et particulièrement de ponts dans le monde en est une dramatique illustration.


On le voit donc, ces coûts peuvent gangréner l’économie mondiale et même la mettre en péril; et, puisque le crime organisé ne se tient jamais bien loin de ces manigances, la corruption peut menacer gravement la stabilité des institutions démocratiques. C’est la gangrène qui, à la fin, peut tuer le corps entier.


En mai 1969, un groupe d’États a créé un organisme mondial visant à lutter contre ce fléau connu sous le sigle «GRECO». Depuis 1995, un indice de perception de la corruption a été mis sur pieds. En 2018, la note moyenne des pays était de 43 %.

Selon cet indice, les dix pays les moins corrompus sont : la Nouvelle-Zélande, le Danemark, la Finlande, la Norvège, la Suisse, Singapour, la Suède, le Canada, le Luxembourg, le Royaume-Uni.


Selon ce même indice, ses dix pays les plus corrompus sont : la Somalie, le Sud-soudan, la Syrie, l’Afghanistan, le Yémen, le Soudan, la Libye, la Corée du Nord, la Guinée-Bissau, et la Guinée équatoriale.


Selon le classement de cette liste, les E.-U. sont au 16e rang, la France au 23e, l’Italie au 54e, la Chine au 77e, l’Inde au 81e, le Brésil au 96e, l’Iran au 130e, le Mexique et la Russie ex æquo au 135e.


« Transparency International », rappelons-le, n’est qu’un indice de perception qui est d’ailleurs controversé puisqu’il ne considère que les malversations concernant le secteur public, ignorant celles du secteur privé. Il s’agit là d’une faiblesse importante. Souhaitons qu’elle soit bientôt corrigée.


Mais ne boudons pas cet effort méritoire. La bataille anti-corruption doit être vigoureuse et constante. Cette lutte exige l’appui total des citoyens et des gouvernements pour éviter au monde la mort par empoisonnement de ce venin mortel.
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