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Photo du rédacteurRobert Dutil

Financement politique: la réforme Burns

Dernière mise à jour : 5 oct. 2022

La loi du PQ en 1977

René Lévesque


Un grand bouleversement se produisit au Québec en novembre1976 : le Parti québécois, sous le leadership du charismatique René Levesque, prit le pouvoir. Son principal objectif était de faire l’indépendance du Québec, mais ce n’était pas le seul. Il prônait aussi, entre autres, une réforme importante des règles de financement des partis politiques.

Tout au long de l’histoire, la ruse, la violence et la corruption ont représenté une partie importante des outils utilisés par les humains pour prendre et garder le pouvoir. L’avènement de la démocratie représentative moderne, apparue graduellement il y a 2 siècles, n’a pas modifié substantiellement ces comportements. Toutefois, l’élargissement rapide du droit de vote à la fin du 19e et au début du 20e siècle obligea les factions à se regrouper pour mieux s’organiser en vue de favoriser l’élection de députés partageant les mêmes opinions. C’est ainsi qu’apparut et s’enracina peu à peu l’existence des partis politiques.


Vous serez sans doute surpris d’apprendre qu’au Canada, en 1867, seuls 11 % des citoyens avaient droit de vote, soit environ 350 000 citoyens.

Mais ce ratio passa bientôt à plus de 25 % par l’élimination graduelle du vote réservé aux seuls propriétaires. Il augmenta à plus de 50% en 1920 lorsque les femmes obtinrent ce droit de haute lutte. Aujourd’hui, il atteint 75 %, soit tous les citoyens majeurs de nos sociétés et dépasse 25M d’électeurs au Canada, soit plus de 75 fois le nombre d’électeurs de 1867.

On comprend donc que ces nouveaux partis politiques avaient un besoin croissant d’argent, d’autant qu’en plus de l’extension du droit de vote, la population augmentait à un rythme jamais égalé dans l’histoire, grâce en particulier à l’amélioration de l’hygiène et des soins de santé.

À cela s’ajoutent les nouveaux moyens de communication qu’ont été le cinéma, la radio, puis la télévision, moyens extraordinaires, mais coûteux, pour rejoindre les électeurs.


On comprit donc clairement qu’il fallait établir des règles plus claires sur le financement, imposer des sanctions plus sévères aux contrevenants et convaincre le plus de citoyens possible de leur bien-fondé pour contrecarrer la corruption et assainir les mœurs politiques.

Cependant, ces modifications ne se produisirent la plupart du temps qu’à la suite de scandales rendus publics par la presse ou les opposants politiques, car cet élargissement du droit de vote ne diminua en rien à l’achat de vote, ni le chantage, ni la violence, particulièrement les jours de vote.

Dès 1875, on mit en place plusieurs bureaux de scrutin par municipalité, on supprima les mises en candidature à main levée, remplacées par un bulletin de présentation, on introduisit le scrutin secret, on fixa les élections générales à la même date et on criminalisa l’achat de vote. En 1895, la loi québécoise fixa un maximum de dépenses électorales, une nouveauté parmi les démocraties.

Mais les gouvernements de l’époque contrôlaient divers autres moyens de pression pour gagner des votes dont la vente de permis de toutes sortes, en particulier celui de la vente de boissons alcoolisées.

Un système de ristournes avait également été institué. Il consistait pour le gouvernement à acheter des biens et services à un prix largement au-dessus de la normale des entreprises proches du parti ministériel. Ces compagnies reversaient ensuite un pourcentage des montants de leurs contrats sous forme de contributions aux caisses du parti, permettant aux gouvernements en place de disposer de moyens financiers largement supérieurs à ceux de leurs adversaires. Ce déséquilibre rendait la propagande électorale des dirigeants très difficile à contrer.

Des améliorations furent apportées à la loi québécoise lorsque, en 1960, le Parti libéral reprit le pouvoir à l’Union Nationale. Elles visaient à contrer ces déviations. Une innovation particulièrement importante fut mise en place en 1963 : elle prévoyait l’établissement d’un remboursement par l’État des dépenses électorales aux candidats ayant recueilli au moins 20 % des votes de leurs circonscriptions. Une autre décision d’importance fut adoptée en 1975 lorsque le gouvernement octroya une allocation étatique modeste, mais directe aux partis politiques. Il s’agissait d’une première au Canada.

De plus, les contrats accordés par les ministères du gouvernement se firent à partir de soumissions publiques au plus bas soumissionnaire conforme, s’attaquant ainsi clairement au favoritisme partisan et au système de ristournes.


Mais le véritable coup de tonnerre aux changements du mode de financement des partis politiques survint au Québec en 1977 sous le leadership du fougueux ministre Robert Burns.

Robert Burns, nommé ministre d’État à la Réforme électorale et parlementaire, inscrivit explicitement cinq objectifs fondamentaux dans la formulation du projet de loi 2:

1. Permettre aux seuls électeurs de contribuer au financement des partis politiques;

2. Assurer le contrôle de ce financement par la divulgation des revenus et des déboursés des partis politiques;

3. Encourager les contributions modestes et diversifiées;

4. Susciter la collaboration des partis politiques;

5. Investir le directeur général du financement des partis politiques d’un double rôle de contrôle et d’informations.


Le Québec n’était évidemment pas le seul endroit au monde que ces questions préoccupaient. Le ministre Burns créa un comité multipartite et visita avec eux 4 capitales qui s’étaient déjà préoccupées du problème : Washington, Sacramento, Toronto et Ottawa.


Toutes les démocraties étaient aux prises avec ces difficultés et elles cherchaient des améliorations nécessaires à un financement équitable des partis politiques.


Les mesures qui furent adoptées interdirent effectivement aux sociétés de financer les partis politiques. De plus, elles imposèrent une limite au montant annuel de don d’un électeur à 3 000 $.

Elles instaurèrent de plus des crédits d’impôt en pourcentage du montant des dons pour inciter la population à y participer.


Cette législation facilitait le financement par des dons plus modestes. Les partisans du Parti québécois montrèrent plus d’enthousiasme pour cette formule que ceux des autres partis, mais les règles étant égales pour tous et leurs adversaires emboîtèrent graduellement le pas.


Cette nouvelle loi marqua une étape majeure pour assainir le financement des partis. Elle fut votée à l’unanimité au parlement. Le Parti libéral dirigé depuis peu par Claude Ryan, l’ex-éditorialiste du journal le Devoir l’appuya clairement. Et son application ne semble pas avoir posé de difficultés importantes.


Les opposants plus éloignés du centre des deux côtés du spectre politique soulevèrent bien sûr des réserves. La droite plus extrême déplorait le recul de la liberté de donner sans réserve des ressources lui appartenant. La gauche plus extrême déplorait que le financement ne soit pas entièrement public pour éviter, entre autres, toute dépendance financière des partis envers certains citoyens mieux nantis et, parfois, mal intentionnés. Mais ces critiques ne suffirent pas à inverser la direction de ces lois qui se répandaient de plus en plus dans les pays démocratiques.


Aucune législation toutefois ne garde totalement son efficacité au fil du temps, surtout lorsque des forces importantes s’activent pour la détourner à leur avantage. Il aurait fallu une diligence vigoureuse de tous les instants pour éviter les dérapages. Ce ne fut pas le cas. Les démocraties modernes, si nouvelles dans l’histoire, ne pouvaient s’appuyer sur une longue histoire et une longue expérimentation pour assurer l’étanchéité de leur modèle. 30 ans plus tard, il fallut entreprendre un nouveau resserrement comme je vous l’expliquerai dans une prochaine lettre.



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