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Photo du rédacteurRobert Dutil

Les amendements à la Constitution américaine

Dernière mise à jour : 2 mai 2022


Franklin D. Roosevelt, 32e président et le seul à avoir été élu 4 fois (1933-1937-1941-1945).



Donald Trump a ébranlé la Constitution plus qu’aucun de ses prédécesseurs au cours de l’histoire américaine. Son refus de respecter les traditions établies depuis longtemps autour de ce texte fondateur en démontre cependant les faiblesses. Toutefois, en 1789, les Pères de la Fédération avaient eu la sagesse de permettre de l’amender, bien qu’y parvenir s’avère un parcours long et incertain.[1] Depuis sa mise en vigueur, elle l’a néanmoins été à 27 reprises. Les voici en résumé:


Les dix premiers amendements ont été ratifiés dès 1790 et concernent les droits des citoyens qu’à juste titre, une partie du Congrès souhaitait encadrer comme condition de leur ralliement à son adoption.


Ils sont identifiés sous le titre de « la Charte des droits ». Le premier garantit la liberté religieuse, de parole et de presse, de s’assembler paisiblement et de pétitionner le gouvernement. Le second, le plus célèbre, concerne le droit pour le peuple de porter des armes. Le troisième empêche les militaires de loger chez l’habitant en temps de paix et en fixe les conditions en temps de guerre. Les autres touchent à la protection des citoyens accusés d’un délit. Finalement, la Constitution réserve les pouvoirs non mentionnés dans la Constitution aux États ou au peuple. Quant aux 17 amendements suivants, nous ne mentionnerons que les principaux :


Tout d’abord, les 13e, 14e et 15e amendements survenus suite à la guerre de Sécession interdisent l’esclavage, et donnent à tous les citoyens le droit de vote au suffrage universel sans égard à la race ou à la servitude antérieure. Rappelons que le suffrage universel excluait alors les femmes. Elles ont obtenu le droit de vote beaucoup plus tard par le 19e amendement ratifié en août 1920 qui stipule simplement que le droit de vote ne peut être restreint ou refusé en raison du sexe.


Ensuite, le 17e amendement, ratifié en 1913, établit que les sénateurs seront dorénavant élus au suffrage universel direct pour éviter que ce choix ne soit contrôlé par les gens d’affaires et les machines politiques dans chacun des États comme c’était devenu le cas. De plus amples explications ont été données à ce sujet dans la lettre précédente.


Quant au 22e amendement adopté en 1951, il limite le nombre de mandats présidentiels à 2 mandats. Bien que cette règle n’ait pas été inscrite dans la Constitution initiale, et qu’un président pouvait se présenter indéfiniment, Georges Washington ne se présenta pas pour un troisième mandat, établissant un précédent suivi fidèlement par ses successeurs jusqu’après la guerre de sécession.


Il y eut après cela plusieurs tentatives pour obtenir ce fameux 3e mandat. Elles furent infructueuses jusqu’en 1940. Ulysse S. Grant (1869-1877) perdit l’investiture de son parti. Grover Cleveland (1885-1889; 1893-1897), bien que majoritaire au suffrage universel en 1888, perdit au nombre des grands électeurs. Theodore Roosevelt (1901-1909) fonda son parti, obtint plus de vote que le président William Howard Taft, mais fut défait par Woodrow Wilson (1913-1921). Ce dernier tenta lui aussi d’obtenir un 3e mandat, mais perdit l’investiture contre James Cox. Et Harry Truman (1945-1953) y renonça dès la décevante première « Primaire ». On croyait donc que la République américaine était allergique à ce 3e mandat.


En fait, un seul réussit cet exploit : Franklin D. Roosevelt ; il fut élu à 4 reprises (1933-37-41-45) avec des majorités confortables. Mais il mourut en 1945 au début de son quatrième mandat. Son règne ne dura donc que 12 ans, au lieu de 16, mais il fut le seul qui dépassa 8 ans.


Et, comme c’est souvent le cas, cet exploit provoqua un sursaut chez ceux qui craignaient qu’un éventuel président trop puissant ne rétablisse en quelque sorte une dictature que certains appellent « monarchique », et d’autres « fasciste ». Le 22e amendement mit donc fin à cette possibilité. La limite fixée à 2 mandats était dorénavant inscrite dans la Constitution.


Plus tard, les présidents Ronald Reagan et Bill Clinton souhaitèrent son abolition au nom de la liberté, mais ne purent pas donner suite. Enfin, Donald Trump affirma son intention de dépasser également les 2 mandats, mais son élan fut stoppé par sa défaite après son premier mandat.


Il faut noter que d’autres pays avaient aussi adopté la limite des 2 mandats de 4 ans. Toutefois les règles de modification des Constitutions dans le monde sont loin d’être aussi laborieuses que celles des États-Unis. Plusieurs pays utilisèrent le référendum pour y arriver. Mais les référendums ne fonctionnent pas toujours de façon équitable dans les pays où le promoteur de ce processus n’est autre que le dirigeant du moment qui veut prolonger son pouvoir. On constate que malheureusement ils y parviennent souvent et installent finalement une dictature durable sous un pâle verni de démocratie.


Mais revenons au processus américain. Comme on le constate, il est difficile d’obtenir un amendement, bien que 27 ont été clairement approuvés par la grande majorité des États depuis 1789. On constate de plus qu’un amendement s’obtient souvent lorsqu’un débat est en cours sur ce sujet, comme ce fut le cas pour le nombre de mandats du président.


Aussi il peut s’avérer intéressant d’identifier les quelques modifications futures souhaitables de sorte qu’au bon moment, ses défenseurs soient en mesure de les y inscrire.


Voici ceux que je privilégierais:


  • Abolir le collège électoral et raccourcir la période de transition : cette proposition a été présentée dans la lettre précédente. Il s’agit de la modification la plus importante pour assurer la stabilité du processus électoral et de la transition entre des élus de partis différents. Notons au passage que Donald Trump n’a jamais reconnu sa défaite, même après la passation des pouvoirs et que des dizaines de millions d’Américains partagent son opinion que ce vote lui a été volé;

  • Encadrer le pouvoir de pardon du président : est-ce que ce pouvoir est nécessaire? Je prétends que oui; il arrive des circonstances où c’est la façon la plus simple de régler des problèmes inextricables.

Par exemple, en 1980, au début de son mandat, le président Carter a accordé la grâce présidentielle à plus de 200 000 objecteurs de conscience qui avaient refusé, bien des années plus tôt, de s’enrôler dans l’armée pour aller combattre au Vietnam et étaient considérés légalement comme déserteurs. Un imbroglio qu’il régla de cette façon.


D’autres « pardons » ressemblent cependant à des décisions partisanes injustifiées. Deux modifications pourraient vraisemblablement les limiter : la première serait de clairement interdire au président de se pardonner à lui-même, de « s’autopardonner». Donald Trump l’a clairement envisagé, mais y a renoncé à la dernière minute, craignant sans doute que pareille décision puisse faire basculer le vote de sénateurs républicains en sa défaveur lors de son second procès en destitution pour son rôle concernant les violences au Capitole le 6 janvier dernier. M. Trump n’est pas le premier à l’avoir envisagé. Ce fut le cas de Richard Nixon en 1978 qui lui non plus n’osa pas le faire .


Dès les débuts des États-Unis, James Madison (qui devint plus tard le 4e président des États-Unis) avait clairement déclaré que personne n’est un bon juge de soi. Mais cette pratique d’autopardon n’avait pas alors été interdite explicitement par la Constitution. Encore aujourd’hui, il n’y a pas d’accord entre les constitutionnalistes sur sa légalité. Il s’agirait donc de l’interdire explicitement avant qu’un futur président prenne une décision aussi scandaleuse.


Une seconde règle pourrait également être adoptée. Puisque les futurs ex-présidents se prévalent de ce pouvoir jusqu’au dernier jour de leur présidence, évitant ainsi de subir les conséquences politiques de leurs décisions, un contrepoids efficace pourrait être ajouté à la Constitution en le privant de ce pouvoir 2 mois avant l’élection présidentielle du début novembre et jusqu’au lendemain de la transition le 20 janvier suivant. Ces décisions seraient alors connues des électeurs avant de voter, en non après. Elles pourraient donc peser sur leur choix … et inciter le président à une plus grande prudence.


  • Le droit de véto présidentiel : ce droit présente aussi certaines difficultés et mériterait aussi d’être reconsidéré. L’objectif ici est de s’assurer d’éviter les paralysies de fonctionnement, mais de laisser au président une certaine marge de manœuvre pour diriger. Actuellement, ce droit de véto peut être levé à la majorité des 2/3 de la Chambre des représentants. Dans un système bipartite où, règle générale, les partis votent selon la ligne de leur parti, cette barrière s’avère habituellement beaucoup trop haute pour être franchie.

Il faut toutefois constater que, dernièrement, le président Trump a vu un de ses vétos annulé, ébranlant ainsi ma conviction qu’il faille retoucher cette règle.


  • Le choix des journalistes de la Maison-Blanche : s’il existe une règle qui ne devait jamais être brisée par un président, c’est bien celle du choix des journalistes de la Maison-Blanche. Il semble bien clair que ce choix appartient à la presse et non au président. Une presse libre irrite parfois les gens au pouvoir, mais tel est le prix de la liberté. Donald Trump a farouchement tenté d’exclure un journaliste de CNN particulièrement tenace et critique de la Maison- Blanche. Évidemment le président prétendait que le comportement du journaliste en question était inacceptable, ce qui, dans ce cas, était faux. Il a fallu l’intervention de la justice pour empêcher cette éviction arbitraire par un président qui qualifiait la presse d’ « ennemi du peuple » et leurs nouvelles de « fake news ».

En résumé, ce processus d’amendement de la Constitution s’est avéré une soupape imparfaite, mais efficace pour suivre l’évolution de la société américaine : en 27 amendements, elle a permis l’instauration d’une Charte des droits, l’abolition de l’esclavage, l’élargissement du droit de vote, la limitation du nombre de mandats des présidents et quelques autres ajustements de moindre importance, mais utiles au bon fonctionnement de sa démocratie. Souhaitons que les élus américains poursuivent ce travail pour moderniser l’une des plus vieilles Constitutions du monde tout en conservant la stabilité.


[1] Article 5 : les amendements peuvent être proposés par le Congrès, chaque Chambre votant à la majorité de 2/3 ou par une convention convoquée si les 2/3 des États le demandent. Puis elle doit être ratifiée par les ¾ des États.



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