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Photo du rédacteurRobert Dutil

Richard Busque

Dernière mise à jour : 5 oct. 2022

Brève histoire d’une longue amitié

Richard Busque, un grand Beauceron



Bien que nés tous deux à Saint-Georges de Beauce, Richard Busque et moi n’avons véritablement fait connaissance qu’à l’âge adulte. Né en 1945, Richard était mon aîné de quatre ans, ce qui augmentait encore la distance nous séparant.


En ce temps-là, les gens de l’Ouest n’allaient pas aux mêmes écoles que les gens de l’Est; ils n’allaient pas non plus à la même église. C’est la rivière Chaudière qui délimitait ces deux municipalités, un large cours d’eau bien connu pour ses débordements printaniers. Elle n’était alors traversée que par un seul pont. Deux autres municipalités entourant les deux villes complétaient le paysage politique. Comme dans toutes les petites agglomérations, il n’y existait aucun transport en commun. On y voyageait par ses propres moyens, à l’exception des autobus jaunes du transport scolaire apparus au même moment que les écoles polyvalentes, dans les années soixante.


En 1976, le nouveau gouvernement du Québec proposa une réforme importante et urgente : celui des services ambulanciers.


À cette époque, dans nos régions, ils étaient dispensés par les entreprises funéraires privées. Les véhicules utilisés étaient les mêmes lors des enterrements.

Dans un monde où le nombre de véhicules automobiles augmentait de façon exponentielle, et, malheureusement, le nombre de catastrophes routières tout aussi rapidement, il fallait un service ambulancier dont les véhicules étaient adaptés et réservés pour les interventions d’urgence lors d'accidents routiers.


L’une des solutions que proposait le gouvernement consistait à créer des organismes regroupant les corporations municipalités qui auraient le mandat de les gérer. Ils seraient financés en partie par les utilisateurs, en partie par les municipalités et en partie par le gouvernement.


Élu conseiller municipal l’année précédente, j’offris mes services au conseil pour participer au comité intermunicipal qui était en train de se former. Il accepta mon offre et je participai donc à une première réunion où seulement quelques municipalités avaient délégué un représentant. L’un d’entre eux était Richard Busque, représentant de la ville de Saint-Georges Ouest.


Richard Busque n’était pas très grand, mais il émanait de lui un dynamisme débordant et contagieux qui démontrait un leadership exceptionnel. Il souriait toujours, parlait beaucoup et avec conviction, avait une tonne d’idées. Et il voulait que ce dossier se règle rapidement pour le bien de la population. Le modèle proposé par le gouvernement nous apparut viable. La part du financement municipal était raisonnable. On se répartit donc les municipalités pour rencontrer les conseils absents lors de cette première rencontre afin de les convaincre d’adhérer à l’organisation de ces nouveaux services ambulanciers.


L’opération fut un succès et en quelques semaines, la corporation ambulancière de Beauce, mieux connue aujourd’hui sous le nom de CAMBI, était sur pied.

À partir de cette période, Richard Busque et moi avons eu l’occasion de travailler fréquemment ensemble. Il fut conseiller municipal, je devins député; il fut plus tard le premier maire de la ville fusionnée. Et au cours des neufans où j’occupai ce poste de député, entre 1985 et 1994, les dossiers que pilotait Richard Busque, avec énergie et efficacité, furent nombreux.


Mon allégeance allait au Parti libéral qui favorisait l’option fédéraliste. Et, bien que discret à cause à son travail dans le secteur public, l’allégeance de Richard semblait plutôt favoriser le Parti québécois et l’option souverainiste. Cela ne changeait toutefois rien à l’étroite collaboration qui nous permettait de régler bien des dossiers en faveur des Beaucerons, malgré la perspective d’une possible collision future entre nous.


La collision vint toutefois. Lorsque je décidai de ne pas être candidat comme député pour un troisième mandat en 1994, on s’attendait à ce que le candidat du Parti québécois soit Richard Busque. Mais cette année-là, un malheur l’affecta : son épouse était gravement malade; et il décida de ne pas se lancer dans la course. Le Parti québécois choisit son frère Paul-André Busque. Ce dernier avait déjà défendu sans succès la bannière du Parti conservateur au fédéral, mais il était un candidat aguerri qui serait difficile à battre. La lutte fut en effet très serrée. Il fallut attendre le dépouillement de toutes les boîtes de scrutin pour départager le choix de la population. La majorité ne fut que de 168 voix en faveur du candidat libéral, le préfet de la MRC Beauce-Sartigan et le maire de Saint Gédéon, Paul-Eugène Quirion. Mais de mon côté, après cette victoire, je quittais la politique sans regret et, pensai-je, pour toujours. J’en avais fini avec les campagnes électorales et le stress incroyable qu’elles génèrent. Du moins, c’est ce que je croyais alors.


Le « toujours » fut de brève durée. Notre nouveau député libéral mourut d’une longue maladie deux ans après son élection. J’y perdais un ami précieux et le comté perdait son député libéral. Mais ce que ce triste événement annonçait à nouveau, c’était la tenue d’une nouvelle élection partielle. Et c’est là que la collision se produisit entre Richard Busque et moi. Il s’agissait bien sûr d’une collision indirecte, puisque je n’étais pas candidat, mais j’appuyais clairement et ouvertement la candidate libérale; et, comme nous l’avions prévu, Richard Busque fut choisi comme candidat du Parti québécois. Dix-huit ans s’étaient écoulées entre notre première rencontre sur le dossier des ambulances. Et pendant les neuf ans où j’avais représenté les Beaucerons à l’Assemblée nationale, Richard Busque et moi avions collaboré sur de nombreux dossiers concernant le comté. Nous avions évité jusque-là les frictions partisanes. Mais cette fois-ci, notre amitié allait être mise à rude épreuve.


Les stratégies de campagne électorale font souvent appel à l’image des candidats plutôt qu’aux fonds des dossiers eux-mêmes.


La lutte se fit avec véhémence. Les yeux de la province étaient tournés vers Beauce-Sud. Le Parti québécois disposait d’une large majorité à l’Assemblée nationale sous le premier ministre charismatique Lucien Bouchard et comptait ajouter une victoire à son bilan. Toutefois, Beauce-Sud n’avait jamais élu un candidat du Parti québécois depuis 1970, année où ce parti avait présenté des candidats aux élections pour la première fois.

Fabien Roy, pour le Crédit social, avait gagné troisélections et fut député de 1970 à 1979, moments où il démissionna pour devenir chef du Crédit social au fédéral. Et le Parti libéral avait remporté les cinq élections suivantes jusqu’à cette partielle. Nous voulions une sixième victoire d’affilée.


Au début de la campagne, les sondages favorisaient Richard Busque. Puis petit à petit, la lutte devint plus serrée. Jusqu’au déclenchement de cette élection, notre candidate, Diane Leblanc, travaillait comme attachée politique du député conservateur Gilles Bernier au fédéral, ce qui avait pour effet de grignoter des appuis au Parti québécois. De plus, elle faisait une excellente campagne. Bref, à la surprise générale, elle fut élue.


La réaction de Richard Busque montra clairement l’ampleur de sa déception. La Beauce qu’il servait avec ardeur dans de multiples dossiers depuis si longtemps lui tournait le dos. Pourquoi continuer à faire de tels efforts, se demanda-t-il sans doute? Quant à notre amitié, je crus que cette lutte venait d’y mettre fin.


Je décidai tout de même de lui écrire la lettre suivante que j’ai retrouvée dans mes archives. La voici :


« M. Richard Busque, 780, 29e Rue Ouest, Saint-Georges G5Y 4H8


Cher Richard,


Nous sommes impliqués en politique depuis aussi longtemps l’un que l’autre. Malheureusement, nous nous sommes retrouvés récemment à défendre publiquement des idées différentes, toi comme candidat au poste de député, moi comme ancien député. Je trouve que le risque de briser des amitiés est un prix extrêmement élevé pour défendre une opinion. C’est un prix que je paie depuis plus de 20 ans et je le déplore.


Le résultat du 28 avril t’a déçu et c’est bien compréhensible, mais il n’a rien à voir avec l’estime que les gens éprouvent à ton égard pour ton dévouement dans une multitude d’organisations à caractère social. J’ai eu l’occasion de parler au cours de la campagne avec plusieurs personnes qui partagent à la fois mes idées politiques et une profonde amitié pour toi. Tous étaient désolés du mal que leur choix politique pouvait te faire dans les circonstances. Ces conversations me confirment que le résultat du 28 avril n’est pas le rejet de Richard Busque. Il n’est pas lié à la qualité de la personne qui représentait l’option souverainiste. Tu étais sans conteste le meilleur candidat que le Parti québécois pouvait recruter pour défendre ses couleurs.


Ce vote est plutôt le résultat combiné d’un appui de l’électorat féminin envers une première candidate féminine dans le comté et de l’électorat fédéraliste. Ces tendances sont difficilement réversibles. La prochaine élection dans Beauce-Sud ne devrait pas entraîner des résultats différents, quel que soit le candidat du Parti québécois.


Permets-moi d’en arriver maintenant au but principal de cette lettre. Bien que le risque de refroidir une amitié comme la nôtre est un risque que j’accepte de courir pour défendre mes convictions, c’est un prix que je préférerais ne pas payer. Les rancunes drainent une précieuse énergie que nous pouvons plus utilement employer. La vie est courte. Nous nous dirigeons tous deux vers l’âge où l’on ralentit graduellement nos activités professionnelles, où l’on devient grand-père, où l’on pense davantage au futur immédiat qu’à futur lointain, mais c’est aussi la période où nous bénéficions le plus de l’expérience acquise.


Je souhaite que nous puissions nous revoir et parler ensemble et échanger comme par le passé.


Tu es une personne que j’estime beaucoup malgré nos différences d’opinions. Nous avons encore, chacun de notre côté, bien que de manières différentes, des choses à apporter à la société à condition d’orienter notre énergie au bon endroit.

Je te prie d’accepter mes meilleures salutations,


Sincèrement,


Robert »


Je n’attendais pas et ne reçus pas de réponse à cette lettre. Je sus indirectement qu’il l’avait lu. Avait-elle apporté un baume à sa déception? Je l’espérais. Au moment de cette élection partielle en 1997, je travaillais à Québec et ne m’attendais pas à revenir en Beauce.


Le temps passa. Richard avait heureusement repris son dynamique bénévolat dans la région. Nous n’avions toutefois que de rares contacts lors d’activités sociales auxquelles nous participions tous les deux. Mais la vie ne s’écoule pas en ligne droite. Après trois victoires consécutives comme députée libérale, notre candidate connut la défaite en 2007 contre l’ADQ. À la suite de cela, pour des raisons trop longues à expliquer ici (j’y reviendrai sans doute dans une prochaine lettre), je redevins candidat du Parti libéral dans Beauce-Sud en 2008, 14 ans après avoir quitté l’Assemblée nationale. Je fus élu de justesse. Et l’un des premiers rendez-vous fut Richard Busque que je reçus au bureau de comté avec son manager expert, Pierre Paquet. Avaient-ils changé? Si peu. Nous avions vieilli de 11 ans, mais après quelques minutes agréables de ce renouement inattendu, on reprit là où l’on avait laissé. Ils voulaient que les dossiers continuent de progresser avec des solutions plus imaginatives et à une vitesse plus grande qu'à laquelle la machine bureaucratique laissée à elle-même avançait. On s’accordait là-dessus. On collabora avec succès. Une collaboration qui dura 3 ans.


Notre dernière rencontre fut un point de presse qu’il dirigea lui-même à la centrale de télésurveillance 911 appelée CAUCA qu’il avait contribué à mettre sur pied. Bien que gravement malade à ce moment-là, il tenait à travailler jusqu’à la fin, conformément à sa ténacité légendaire. Richard Busque fut emporté par la maladie en 2011, à l’âge de 65 ans.


Il avait reçu un hommage provincial bien mérité en 2005 pour son bénévolat exemplaire. Richard Busque fut un grand Beauceron, un grand Québécois et un grand ami.



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