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Photo du rédacteurRobert Dutil

Ukraine - Arbitrage international

Dernière mise à jour : 23 sept. 2022


La Cité interdite - Beijing, Chine



Au cours de la seconde moitié du 19e siècle, le mouvement « International Arbitration and Peace Association » de Londres proposait de mettre en place un tribunal international d’arbitrage décisionnel accompagné d’un désarmement généralisé. J’ai expliqué ce projet dans le texte intitulé « Guerre et paix – bas les armes » sur le blogue « lettresanticosti.ca ».


En 1899, la conférence de La Haye, qui devait mettre en place ces institutions, ne parvint à obtenir l’adhésion des puissances de l’époque qu’en faveur d’un tribunal d’arbitrage non contraignant. Bien que décevant, cette avancée timide valait tout de même mieux que rien du tout.

Aujourd’hui, ce tribunal international, vieux de plus de 120 ans, continue d’arbitrer de nombreux dossiers annuellement. Il est formé de juristes de réputation internationale. Leur expertise des situations les plus complexes et la jurisprudence développée depuis sa création en font une organisation d’une grande compétence que le monde a intérêt à utiliser. Ceux qui y adhèrent sur une base volontaire ont compris qu’une décision, pas toujours entièrement satisfaisante, vaut tout de même mieux qu’un dossier non résolu, surtout lorsqu’il peut dégénérer en une guerre destructrice et coûteuse.


Bien sûr, il y a ceux qui croient encore que la force peut continuer à régler les conflits. Vladimir Poutine en est. Le coût humain et matériel de son invasion de l’Ukraine l’illustre bien. Les dommages montrent la démesure entre les supposés gains qu’il envisageait et les coûts gigantesques de cette violence barbare. Et comme si cela ne suffisait pas, cette guerre survient en une période où l’humanité est menacée par des changements climatiques catastrophiques et une pandémie loin d’être sous contrôle après plus de 3 ans.


Peut-on, cette fois-ci, en tirer les leçons et améliorer le futur? Il le faudra si on souhaite la pérennité de la vie sur notre planète. Et l’une des améliorations, bien qu’insuffisante, pourrait venir de cette idée plus que centenaire d’arbitrage décisionnel obligatoire.

Utopie? Sans doute en partie, mais ne minimisons pas le chemin parcouru. Tout dépend de l’espace que l’on souhaite maintenant couvrir. On pourrait, par exemple, s’attaquer à un seul élément des causes de conflits violents dans le monde, le plus fréquent : le découpage des territoires.


Il pourrait être requis par l’ONU que chaque pays ou région revendiquant une modification de territoire ou une séparation d’avec son pays actuel doive le faire en présentant un dossier complet et argumenté au tribunal international d’arbitrage.


Rappelons que cet organisme est de nature juridique et non politique et ne s’appuie pas sur la force, mais sur la loi. Et rappelons aussi qu’il est bien différent du tribunal pénal international qui cherche à trouver et punir des coupables.


Le tribunal international d’arbitrage cherche plutôt à identifier des solutions.

Ce genre de débat pourrait d’ailleurs commencer par une médiation. Par exemple, la Russie aurait pu, plutôt que d’envahir la Crimée en 2014, inscrire sa revendication sur ce territoire. Elle bénéficiait de bons arguments dans ce dossier puisque ce territoire faisait partie de la Russie jusqu’au milieu des années 1950, lorsque le dirigeant russe de l’époque, Nikita Khrouchtchev, décida de la rattacher à l’Ukraine pour des raisons pratiques. Cette presqu’île était en effet rattachée par un lien terrestre avec l’Ukraine au nord, alors qu’à l’est, elle était séparée de la Russie par un détroit maritime.


Ce rattachement à l’Ukraine ne se serait certainement pas produit si la Russie avait prévu l’effondrement de l’URSS, suivi de l’indépendance de l’Ukraine; elle aurait gardé sous son autorité ce site stratégique. D’où sa revendication.


Il ne s’agit ici que de l’un des nombreux exemples de désaccords pouvant dégénérer en guerre si rien n’est fait. Le plus célèbre parmi ceux-ci concerne l’île de Taïwan. Les forces anticommunistes s’y sont réfugiées après la victoire du leader communiste Mao Zedong en 1949 et sont depuis protégées par les États-Unis.


La Chine considère qu’il s’agit d’une province de son territoire en rébellion. Toutefois, les habitants de Taïwan s’opposent à cette réunification qui aurait pour résultat de les soumettre à la dictature du régime politique autocratique chinois, alors qu’ils font partie actuellement des démocraties libérales.


La liste de ces désaccords est longue, mais plusieurs d’entre eux pourraient être résolus rapidement et sans violence par cette méthode d’arbitrage décisionnel.

Puis, petit à petit, le nombre de cas non résolus diminuant, la jurisprudence se développant, on en arriverait à un amoindrissement des tensions internationales sur cet aspect.


Il y aurait à vrai dire trois situations : la première, les cas faciles où les deux pays ou territoires acceptent l’arbitrage international décisionnel et se soumettent à son éventuelle décision, quelle qu’elle soit.


La seconde situation, moins facile, concerne le cas où l’une des parties souhaite et accepte cet arbitrage, mais l’autre pas. Rien n’empêche la communauté internationale de demander tout de même que cet arbitrage ait lieu; le résultat apporterait au moins un éclairage juridique sur le dossier. Le résultat pourrait faire fléchir la partie non consentante. Sinon, ce dossier non réglé ne présenterait ni avancée ni recul; il resterait simplement en suspens jusqu’à ce qu’une meilleure occasion de le régler se produise.


Enfin la troisième situation, les deux parties refusent cet arbitrage international. Si la situation sur le terrain n’est pas violente, la communauté internationale pourrait laisser filer le temps, mais sinon, rien ne devrait pouvoir empêcher la demande d’opinion juridique d’être entendue au tribunal international, même en l’absence des parties.


En tout état de cause, tout recourt à la violence devrait être condamné par les institutions internationales si ce processus d’arbitrage n’a pas été utilisé jusqu’à son ultime phase.

Ce système aurait-il convaincu Vladimir Poutine de ne pas entrer en guerre contre l’Ukraine? Peut-être pas, mais celui-ci ne pourrait pas se plaindre aujourd’hui de voir la plus grande partie des pays du monde condamner son comportement barbare. Chose certaine, les pays qui songent à utiliser la violence contre leurs voisins réfléchiront à deux fois avant de tenter de les envahir, devant les difficultés que rencontre la Russie contre la vigoureuse résistance ukrainienne et l’appui militaire certes insuffisant, mais néanmoins tangible, que la communauté internationale leur donne. Le recours à une troisième partie indépendante pour décider de la voie à prendre en vue de résoudre les tensions entre les groupes de la belliqueuse espèce humaine est un moyen qui parsème l’histoire.


Tous les pays libres bénéficient d’une justice indépendante appelée à trancher en permanence des cas de litige. Ces jugements ont force de loi dans ces pays et empêchent la société de sombrer dans la violence et le chaos.


Le défi moderne consiste à transposer ce système d’arbitrage au niveau international pour en extirper la violence et le chaos.

La tâche n’est pas insurmontable. Il faudra du temps pour y parvenir, mais le résultat, imparfait certes, mais bien meilleur que l’anarchie actuelle, mérite qu’on s’y attèle avec toute l’énergie possible.


On ne peut prétendre que l’arbitrage international suffirait à enrayer les conflits, mais rappelons qu’il s’agit d’un des moyens les plus performants disponibles pour s’en approcher. L’éléphant dans la pièce demeure toutefois l’orgie d’armements dont dispose le monde pour s’autodétruire. On ne pourra bien sûr pas éluder cette question indéfiniment.

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